Les ombres du monde - Michel Bussi

 

https://img.livraddict.com/_thumbs/covers/661/661207/200_0/couv29653864.jpgLes ombres du monde - Michel Bussi

Octobre 1990.
Le capitaine français Jorik Arteta, en mission au Rwanda, rencontre Espérance, jeune professeure engagée dans la transition démocratique de son pays.
6 avril 1994.
Un éclair déchire le ciel de Kigali. Le Falcon du président rwandais explose en plein vol. Commencent alors cent jours de terreur et de sang. Les auteurs des tirs de missiles ne seront jamais identifiés. Quelqu'un, pourtant, connaît la vérité.
Noël 2024.
Jorik, sa fille et sa petite-fille s'envolent pour le Rwanda. Tous poursuivent leur propre quête, tourmentée par les fantômes du passé.




Lecture audio - en partenariat avec #Netgalley et #Lizzie


En quelques mots :

Une véritable claque !!! Un grand roman, loin de tout ce qu’il a écrit jusque-là. Entre mémoire et rédemption, il mêle avec brio fiction et réalité, donnant voix à des personnages bouleversants, complexes, humains. Un récit dense, viscéral, profondément habité, dont on ne sort pas indemne. Ce roman choral croise fiction et réalité, personnages inventés et figures historiques.

En beaucoup plus de mots :

J’ai découvert Les Ombres du monde dans sa version audio, portée par trois voix — deux féminines et une masculine.
Si, au départ, j’ai eu du mal à distinguer les voix des deux narratrices Clémentine Domptail et Lila Tamazit, cette confusion je l'ai volontairement oubliée à mesure que le récit prenait de l’ampleur. Leur interprétation reste douce, posée, parfois trop, donnant une certaine pudeur aux émotions d’Aline et de Maé alors qu'elles auraient pu être plus violentes.
La voix masculine de Daniel Njo Lobé , en revanche, chaude et puissante, incarne à merveille Jorik, cet ancien militaire à la fois solide et brisé. Elle donne au texte une dimension presque charnelle, pleine de retenue et de gravité.
Le travail des narrateurs ont mis en valeur la richesse du roman, sa complexité, ses failles et ses silences. L’écoute devient alors une immersion totale : on ferme les yeux, on entend la pluie sur la tôle, les voix du passé, les bruits du monde. Une expérience sensorielle et émotionnelle forte, qui m’a fait vivre ce roman différemment, peut-être plus intimement encore que par une simple lecture papier.

Mais revenons au livre en lui-même.

Quelle claque que ce roman, loin de la traditionnelle littérature populaire dans laquelle Michel Bussi est régulièrement emprisonné. Il vient, avec son dernier livre, faire exploser sa cage de verre et donner une toute nouvelle dimension à son œuvre. Il va traquer les racines du mal dans un petit pays très connu et propose un roman historico-géo-politique incroyable.

Loin de se départir de son style traditionnel, de sa marque de fabrique avec des twists imprévisibles, ce roman n’a clairement pas été fait en un jour. Une très solide base documentaire, des années à collecter des informations pour les assembler, pour en faire sans doute un de ses meilleurs romans.

C’est à travers une famille qui retourne en une sorte de pèlerinage que les événements du génocide rwandais de 1994 sont contés, mais il y a aussi l’avant et l’après. Même si le lecteur n’est pas féru de géopolitique, il va se faire embarquer par cette histoire sans rien demander et suivre ces événements vécus de l’intérieur, sans jamais être oublié sur le chemin.

C’est à travers les souvenirs de Jorik Arteta que tout va commencer, car il a fait la promesse à sa petite-fille Maé de l’emmener là où il est considéré comme persona non grata, pour aller voir les gorilles. C’est cliché, oui, c’est gros aussi, mais finalement nécessaire, car Michel Bussi y introduit un concept touristique et environnemental qui a toute sa place, et ça donne vraiment à réfléchir.

Il y a aussi Aline, la mère, élevée par son père en France. Elle a toujours voulu se tenir loin de ce pays, mais elle va en prendre plein les yeux, plein la tête, souvenirs qui remontent, impressions de déjà-vu… quelque chose ne colle pas. Qu’a-t-elle oublié ? C’est ce que l’on va tenter de découvrir.

Même si certains, et j’en fais partie, trouveront qu’il y a des clichés, ils sont finalement vite balayés par le fond de l’histoire. Cette famille, aux générations monoparentales, va rester soudée au fur et à mesure des découvertes. Un journal intime de cette mère absente, Espérance, qui va être la colonne vertébrale de cette histoire ; Maé, ses jambes ; Aline, son système sanguin qui donne vie à une histoire oubliée ; et Jorik, ce cerveau mutilé qui n'assemble pas tout et donne sa vision de sa propre histoire.

De nombreux personnages vont intervenir dans ce récit campé dans trois époques différentes pour assembler une vérité dont je ne suis pas sortie indemne. Michel Bussi a œuvré magistralement pour lier fiction et faits réels, personnages inventés et personnages réels, tel un casse-tête irrésolvable, avec un rythme maîtrisé et plusieurs révélations fracassantes.

Contrairement à mes lectures passées du même auteur, où je cherche comment il a essayé de me manipuler, je n’ai pas eu envie d’anticiper. Je me suis laissée porter par ces villes, ces villages, ces personnages, ces histoires qui ont fait l’Histoire de ce pays. Michel Bussi a clarifié les événements, ce qui rend la lecture tellement facile à appréhender pour un sujet qui ne l’est pas à première vue, en y ajoutant une tension historique grave et une tension émotionnelle maîtrisée.

Devoir de mémoire, personnages rongés par la culpabilité avérée ou inconsciente, transmission de son histoire et rédemption sont au cœur de cet ouvrage, avec cette nuance imposée par les émotions de ces personnages. Loin d’être manichéen, ce roman explore les profondeurs de l’âme : celles des bourreaux, des sauveurs, des traîtres, des miraculés, des oubliés, des passeurs, des braconniers, des idéalistes, des rêveurs, des hommes et des femmes qui auraient dû être ordinaires et qui, à un moment donné, ont fait leur choix ; pour vivre, pour survivre, pour résister, pour combattre, pour oublier, pour avancer, pour protéger, pour idéaliser, pour vaincre, pour défendre, pour protéger, pour oublier.

Commentaires

  1. Effectivement ce roman semble sortir complètement de la production habituelle de l'auteur. J'avoue que le sujet ne m'attire pas pour le moment, mais le moment viendra peut-être.
    Merci pour ce billet enthousiaste ;)

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