Hiroshima mon amour - Marguerite Duras

 

Auteur : Marguerite Duras

Edition : Grands auteurs de France Loisirs

Genre : Scénario
Sortie : 1959
Pages : 155

Synopsis :
Au cours du tournage d'une coproduction sur la paix, une comédienne française noue une relation éphémère mais passionnée avec un Japonais. Sur cette mince intrigue, Duras est chargée par Alain Resnais d'élaborer le scénario et les dialogues d'un film, Hiroshima mon amour, titre étrange et poétique malgré la référence évidente aux atrocités de la guerre. Avec un art de l'ellipse parfaitement maîtrisé, Duras orchestre une danse sensuelle entre deux personnages qui luttent contre le temps. Lui refuse d'admettre que les atrocités d'Hiroshima ont eu lieu, Elle se tait sur son passé ; pourtant, ces fantômes resurgissent en fragments, lambeaux d'un passé qui se superposent au moment présent. Les corps des amants se confondent peu à peu et Hiroshima se fond dans Nevers, cadre de la jeunesse de l'actrice marquée par l'opprobre parce qu'elle a aimé un jeune Allemand durant la guerre. Les gros plans sur les corps amoureux sont entrecoupés de scènes de foule et de détails d'une crudité sordide, comme si l'horreur devait, elle aussi et malgré tous les films sur la paix, lutter contre le déni pour se faire entendre.

Ce que j'en ai pensé :

Il y a des fois, où on se sent perdu devant sa bibliothèque , on ne sait pas quoi prendre comme prochain roman, on se sent froid de l'intérieur, on hésite, on touche on enlève on repose, mais on ne se sent pas satisfait. On frisonne encore que se soit en hiver ou en été, on pose une petite laine sur ses épaules, on décide finalement de mettre en route la théière et on se prépare notre infusion préférée. On s'assoit et on hésite encore, encore, encore ...

Ce sont dans ces moments que me vient souvent l'idée de lire du Marguerite Duras, car je ne sais comment l'expliquer, cette auteure a quelque chose pour moi de rassurant, d’ultra-féministe, d'indémodable, de sensuel, de moderne et d'intimiste. Ce sont les émotions qu'il me reste de ma lecture de L'amant, que j'ai eu plaisir à redécouvrir ici d'une manière différente.

Tout débord, je souhaite prévenir pour un public non averti, qu'il s'agit du scénario du film éponyme, donc vous aurez principalement que des dialogues entre les deux personnages sur lequel ce film est centré et quelques scénettes de description de lieux, ou de bruits pour nous mettre dans l'ambiance recherchée. 

Et voilà, que même à travers des dialogues, on retrouve la magie de la plume de Marguerite Duras, cette façon si naturelle d'exprimer des sentiments si compliqués de façon si simple. Ces deux personnes que tout oppose, qui vont durant quelques heures s'oublier l'un l'autre, l'un pour l'autre, l'un avec l'autre. Et c'est elle qui va donner le rythme de leur plaisirs réciproques, de leur danse dans la nudité de leur corps et de leur âme. Elle va assumer ses envies, elle va donner envie, elle va être en Vie, dans cette ville que tout étranger souhaite réduite à la mort alors qu'elle vit tout autant que n'importe qu'elle ville. La réduction psychologique de cette ville à un moment de son histoire est mis en parallèle avec la vie de cette femme et la réduction de cet instant ou peut être à l'instant qui a marqué sa vie. Car Marguerite Duras nous parle du sujet un peu trop tabou de l'après guerre, de l'amour pendant la guerre, du camp bon et du camp méchant et des émotions qui les relient au détriment de la sagesse.  Vous ne me comprenez pas, c'est volontaire, je ne veux pas spoiler cette réflexion, la vie de cette femme qui était pour moi une inconnue en commençant ce roman et qui est presque devenue mon amante à moi aussi à la fin de ma lecture.

Oui, Marguerite Duras sait mettre la Femme en avant : sa féminité, son libre arbitre, sa grâce et sa passion, elle arrive à nous faire tomber nous-même amoureux de ce personnage pourtant totalement fictif et à nous faire ressentir le temps de quelques heures, ce que ressent son amant : une admiration incompréhensible mais pourtant si intense pour une inconnue en si peu de temps. Cet attachement qui est presque viscéral et bestial pour une ombre, car cette femme lui échappe déjà, on essaye de la retenir mais on sait qu'elle n'est pas faite pour nous, et qu'il faut profiter de l'instant car demain il ne restera que le souvenir de sa peau, de son odeur, de la forme de ses yeux, de la forme de son corps et de l'acte d'amour dont tout ce qui a fait l'instant précieux s'étiolera avec le temps. 

Oui, je suis passionnée par ce genre de livre qui chamboule un peu tout dans notre cœur et notre corps, cette sensation de lâcher prise de la réalité pour s'immerger dans la lecture de mots si délicatement posés sur une feuille blanche. 

Un roman ou pardon, un scénario, peut importe au final, ne mettez pas tout dans une case, que je relierai plusieurs fois, car c'est le genre d'histoire qui évolue avec votre propre vécu, vos émotions, vos angoisses, vos souvenirs, tout simplement la vie que vous avez choisi de vivre. Vivez.

Et pour les plus regardant, oui, je n'ai mis que 4 étoiles et non 5 comme pourrait le suggérer ma chronique, mais c'est vrai que certains passages traînent en longueurs, mais au final peu importe les souvenirs s'effacent et on en garde que le beau.

Bande annonce du film pour les plus curieux :

Hiroshima mon amour est sélectionné pour être présenté en sélection officielle au Festival de Cannes de 1959, au grand dam du Ministère des Affaires étrangères français qui s'y oppose pour ménager les sensibilités du gouvernement américain ; le film est en effet considéré comme un réquisitoire contre les exactions des bombes atomiques. La délégation américaine obtient finalement gain de cause et le film est écarté de la sélection officielle mais reste diffusé hors compétitionAndré Malraux, alors Ministre de la Culture, estime pour sa part n'avoir jamais vu de plus beau film. Alain Resnais choisit notamment d'y relativiser son rôle au regard de celui de Marguerite Duras : « J'ai cherché surtout à recréer l'univers romanesque de Marguerite Duras. Elle est aussi bien l'auteur d' Hiroshima mon amour que moi ».

Le mot de la fin :

Marguerite Duras a le pouvoir en quelques mots de nous faire oublier le monde et comme une confession, une fois encore nous délivrer des secrets oubliés, ressentir la force des mots et des maux et de nous faire tomber amoureux quelque soit notre sexe. Un texte fort, un texte qui ne peut s'oublier à découvrir et à redécouvrir.

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