L'amant - Marguerite Duras

Auteur : Margurite Duras
Livre : L'amant
Edition : Grands auteurs de France Loisirs
Genre : Autobiographie
Sortie : 1984 (aux éditions de Minuit)
Pages : 79 (dans cette collection) - 148 ( aux édition de Minuit)

Synopsis :
Roman autobiographique mis en image par Jean-Jacques Annaud, L'amant est l'un des récits d'initiation amoureuse parmi les plus troublants qui soit. Dans une langue pure comme son sourire de jeune fille, Marguerite Duras confie sa rencontre et sa relation avec un rentier chinois de Saigon. Dans l'Indochine coloniale de l'entre deux-guerres, la relation amoureuse entre cette jeune bachelière et cet homme déjà mûr est sublimée par un environnement extraordinaire. Dès leur rencontre sur le bac qui traverse le Mékong, on ressent l'attirance physique et la relation passionnée qui s'ensuivra, à la fois rapide comme le mouvement permanent propre au sud de l'Asie et lente comme les eaux d'un fleuve de désir. Histoire d'amour aussi improbable que magnifique, L'amant est une peinture des sentiments amoureux, ces pages sont remplies d'un amour pur et entier.

Ce que j'en ai pensé :
J'ai vraiment passé une très bonne matinée en compagnie de ce livre très court (ça me change des gros pavés lus ces derniers temps).
C'est comme si j'avais été à la terrasse d'un café et que j'ai rencontré une personne que je n'avais jamais vu et que nous avons commencé à discuter ou plus exactement cette femme d'un certain âge avait besoin de me raconter son histoire et que j'étais devenue sa confidente. Elle me raconte son enfance à Saigon à l'époque coloniale, le fait que sa famille était pauvre, son père malade est rentré en France seul et y est rapidement mort. Que sa mère n'était pas totalement consciente de ce qu'elle faisait à la limite la folie, de son grand frère dure, froid, incompétent, voleur, et de son jeune frère discret, martyr de son grand frère pas totalement aimé.
Cette femme me raconte sa rencontre avec un chinois et le fait qu'il devient rapidement son amant, elle n'a alors que 15 ans et lui 12 de plus. Le fait qu'il est désespérément amoureux d'elle mais que son père refuse, tradition familiale oblige, de l'épouser. Comment elle s'épanouie dans cette relation. Mais cela est raconter certes sans pudeur, mais n'est pas du tout graveleux, c'est tendre, passionné. C'est sans amour, le pense-t-elle au début, c'est l'expérience d'une jeune fille qui n'est pas forcément très belle, qui s'ennuie, qui n'est pas heureuse et fait ça pour passer le temps et pour profiter des à cotés  (restaurants, vêtements,...) qu'elle n'aurait jamais pu atteindre.
On écoute cette histoire, en commandant un verre, en regardant les gens passés dans la rue et se croire dans les rues de Saigon : pleines de vies, une foule sans cesse renouvelée. On prend son temps, on se lève, puis on continue à écouter.
Ce livre ne parle pas que de cette histoire charnelle, on va dans le présent, dans le futur, dans le passé, on glisse sur l'échelle du temps sans vraiment y a voir une cohérence, mais il y a toujours ce fil directeur de cet homme chinois qui nous recentre sur l'histoire. On parle de la mort, des rencontre que l'auteur à fait plus tard lorsqu'elle est écrivain à Paris pendant la seconde guerre mondiale. On parle de sa relation conflictuelle avec sa mère. On se laisse porter par le récit, on ne peut pas dire que l'on soit dépayser mais on écoute l'auteur parler de sa vie, on écoute sa confidence et on continue notre chemin chacun de notre côté.
La seule chose qui m'a un peu déranger dans le livre, c'est l'évolution de cette relation entre cette toute jeune fille et son amant, qui devient incestueuse, vous comprendrez ce que je veux dire lorsque vous le lirez.

Ce qui me reste dans la tête :

Le bac sur le fleuve qui emporte cette jeune fille vers un autre destin de celui de son quotidien.
Cette famille qui n'en est pas une où chacun est aussi éloigné de l'autre que nous de l'auteur.
La garçonnière, à la fois si intime et ouverte sur un monte si mouvant.

Citations :

"Quinze ans et demi. Le corps est mince, presque chétif, des seins d'enfant encore, fardée en rose pâle et en rouge. Et puis cette tenue qui pourrait faire qu'on en rit et dont personne ne rit. Je vois bien que tout est là. Je vois bien que tout est là et rien n'est encore joué, je le vois dans les yeux, tout est déjà dans les yeux."

"Déjà j'ai dit à ma mère : ce que je veux c'est ça écrire. Pas de réponse la première fois. Et puis elle demande : écrire quoi ? Je dis des livres, des romans. Elle dit durement : après l'agrégation de mathématiques tu écriras si tu veux, ça ne me regarderas plus. Elle est contre, ce n'est pas méritant, ce n'est pas du travail, c'est une blague - elle me dira plus tard : une idée d'enfant."

"Ma mère mon amour [...] elle use tout jusqu'au bout, croit qu'il faut, qu'il faut mériter, ses souliers, ses souliers sont éculés, elle marche de travers, avec un mal de chien,[...], elle nous fait honte, elle me fait honte dans la rue devant le lycée, quand elle arrive dans sa B12 devant le lycée tout le monde regarde, elle, elle s'aperçoit de rien, jamais, elle est à enfermer, à battre, à tuer."

"Autour d'elle, c'est les déserts, les fils c'est les déserts, ils feront rien [...]. Cette petite-là qui grandit et qui elle, saura peut-être un jour comment on fait venir l'argent à la maison. C'est pour cette raison, elle ne le sait pas, que la mère permet à son enfant de sortir dans cette tenue d'enfant prostituée. Et c'est pour cela aussi sait bien y faire déjà, pour détourner l'attention qu'on lui porte à elle vers celle que, elle, elle porte à l'argent. Ca fait sourire la mère."

"Elle est sans sentiments très défini, sans haine, sans répugnance non plus, alors Est-ce sans soute là déjà du désir. Elle en est ignorante. Elle a consenti à venir dès qu'il le lui a demandé la veille au soir. Elle est là ou il faut qu'elle soit, déplacée là."

"Et la jeune fille s'était dressée comme pour aller à son tour se tuer, se jeter à son tour dans la mer et après elle avait pleuré parce qu'elle n'avait pas été sure tout à coup de ne pas l'avoir aimé d'un amour qu'elle n'avait pas vu parce qu'il s'était perdu dans l'histoire, comme l'eau dans le sable et qu'elle le retrouvait seulement maintenant à cet instant de la musique jetée à travers la mer."

"Elle a du rester la souveraine de son désir, la référence personnelle à l'émotion, à l'immensité de la tendresse, à la sombre et terrible profondeur charnelle."

Petit bonus :
Cette Edition France Loisirs est introduite par Gilles Lapouge qui nous livre quelques explication de
la vie de Margerite Duras. Je reprends son texte : A peine adolescente, à Saigon, Marguerite a une liaison avec l'homme riche, élégant, magnifique qu'elle appellera Le Chinois dans l'Amant, et ce qui n'est sans soute en réalité qu'un vieux Français laid et répugnant. La fureur du frère ne connait pas de bornes. Il frappe et perfectionne son vocabulaire d'insultes. Marguerite est "la plus jeune trainée de Saigon". Marguerite est une pute, une pourriture, une chienne et une merdeuse. Les mots jetés par pierre à la face de sa sœur sont abominables mais il faut reconnaitre que Marguerite n'est pas une enfant très conventionnelle et que la fureur de la famille  a quelques justifications. Seulement, toute sa vie, Marguerite, et même quand elle est bien vieille, raconte une histoire bien différente. A l'entendre c'est sous l'influence de la mère qu'elle noua une relation avec l'homme riche.[...] En quel clair obscur la vérité se tient-elle ? Faut-il faire confiance au frère haineux ou bien à la petite Marguerite?
Et bien à vous de faire votre choix maintenant, j'ai fait le bien, il est à mi chemin, comme ce livre l'est à mi chemin entre le passé et le futur.

Le mot de la fin :
Un livre très plaisant qui se lit comme une confession, qui nous transporte à travers le temps vers les années 30 et qui s'évapore lorsque l'on a fini.


Commentaires

  1. Bonjour Exulire,

    j'aime beaucoup ta critique et son "architecture", même si je n'ai pas partagé le même enthousiasme à la lecture! Joli blog paisible!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup pour ces jolis compliments. Je ne suis pas enthousiasme pour en faire un coup de cœur, mais je trouve que ça se lit très bien, rapidement, et c'est vrai j'ai passé un bon moment.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Le comte de Monte-Cristo, tome 1 - Alexandre Dumas

Silo, l'intégrale - Hugh Howey

Quand le matin éclot la rose - Anthony Buils

Maudits - Marine Kelada

Abigaël : Messagère des anges, tome 3 - Marie-Bernadette Dupuy