Paris-Briançon - Philippe Besson
Paris-Briançon - Philippe Besson
Le temps d'une nuit à bord d'un train-couchettes, une dizaine de passagers, qui n'auraient jamais dû se rencontrer, font connaissance, sans se douter que certains n'arriveront jamais à destination. Un roman aussi captivant qu'émouvant, qui dit l'importance de l'instant et la fragilité de nos vies.
Rien ne relie les passagers montés à bord du train de nuit no 5789. À la faveur d'un huis clos imposé, tandis qu'ils sillonnent des territoires endormis, ils sont une dizaine à nouer des liens, laissant l'intimité et la confiance naître, les mots s'échanger, et les secrets aussi. Derrière les apparences se révèlent des êtres vulnérables, victimes de maux ordinaires ou de la violence de l'époque, des voyageurs tentant d'échapper à leur solitude, leur routine ou leurs mensonges. Ils l'ignorent encore, mais à l'aube, certains auront trouvé la mort.
Ce roman au suspense redoutable nous rappelle que nul ne maîtrise son destin. Par la délicatesse et la justesse de ses observations, Paris-Briançon célèbre le miracle des rencontres fortuites, et la grâce des instants suspendus, où toutes les vérités peuvent enfin se dire.
En quelques mots :
Une lecture fluide et addictive, où l'auteur nous embarque dans un train de nuit plein de vies, d’émotions et de secrets. À travers des portraits justes, il explore la fragilité humaine avec pudeur et acuité. Un huis clos en mouvement, sobre et bouleversant, qui résonne longtemps après la dernière page.
En beaucoup plus de mots :
J’ai beaucoup apprécié ce que Philippe Besson nous propose avec des styles très différents qui se succèdent et qui ont véritablement leur place.
L’introduction m’a donné l’impression de regarder un reportage du journal de TF1 un dimanche pluvieux, sur les trains de nuit : un ton de reporter, une mise en situation très visuelle, comme une voix off qui nous intéresse à un sujet pas des plus palpitants au premier regard.
Puis vient la présentation des personnages, assez nombreux, mais avec une façon de faire qui fait, cette fois, penser au Fabuleux destin d’Amélie Poulain, où l’on découvre chacun d’eux en accéléré, avec leurs petites manies, leurs goûts et leurs blessures. C’est très efficace et en aucun point rébarbatif.
Et puis le voyage se déroule, les langues se délient, les émotions jaillissent. Derrière la façade, chaque passager cache une histoire, une douleur, une attente. Philippe Besson brise les masques et gratte la surface pour nous plonger dans l’intimité de ces vies ordinaires. Il nous plonge dans des corps vivants, vibrants, où les générations se lient, où les envies s’exacerbent, où la vie bat jusqu’au drame.
La façon d’écrire de Philippe Besson est d’une justesse rare dans l’analyse des sentiments et des échanges : tout sonne vrai, simple, sans fioriture.
L’auteur garde une certaine distance, une pudeur, mais l’émotion affleure jusqu’à la dernière phrase. D’une manière ou d’une autre, on s’attache à ces personnages, même fugacement. Car on le comprend vite, on va découvrir des personnages qui changent, d’autres qui vivent, et certains qui ne reviendront pas, mais dont l’esprit restera à jamais aux côtés de ceux croisés le temps d’une nuit.
D'ailleurs, c’est aussi terrifiant d’apprendre que certains ne seront plus là le lendemain, sans savoir pourquoi. Mon imagination débordante a imaginé plusieurs scénarii avant de me recentrer sur le plus logique.
J’ai aussi beaucoup aimé les petites anecdotes historiques, géographiques ou culturelles qui parsèment le roman, comme autant de clins d’œil à nos belles campagnes françaises traversées par ce train. Ces détails donnent de la texture au récit, une atmosphère presque documentaire, mais toujours empreinte d’humanité.
Puis à la fin, la mise en avant des réseaux sociaux est particulièrement bien maîtrisé : la décence pèse si peu devant la prétendue priorité de l’information. Le goût de l’immédiateté prive de discernement, les dommages collatéraux deviennent un simple détail. C’est finement observé et tristement vrai. Le lecteur devient à son propre insu, ce voyeur impuissant.
Un roman court mais intense, qui saisit son lecteur alors qu’on ne s’y attend pas. Entre étonnement et empathie, je ne dirais pas que j’ai souffert pour eux, mais je suis restée spectatrice, et j’ai aimé ma place, loin du chaos à venir.
Un huis clos en mouvement, à la fois cruel et profondément humain.
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