Stupeur et tremblements - Amélie Nothomb

 

https://img.livraddict.com/_thumbs/covers/12/12863/200_0/couv18911179.jpgStupeur et tremblements - Amélie Nothomb

Au début des années 90, la narratrice est embauchée par Yumimoto, une puissante firme japonaise. Elle va découvrir à ses dépens l'implacable rigueur de l'autorité d'entreprise, en même temps que les codes de conduite, incompréhensibles au profane, qui gouvernent la vie, sociale au pays du Soleil levant. D'erreurs en maladresses et en échecs, commence alors pour elle, comme dans un mauvais rêve, la descente inexorable dans les degrés de la hiérarchie, jusqu'au rang de surveillante des toilettes, celui de l'humiliation dernière.

Ma seule expérience avec Amélie Nothomb jusqu'à aujourd'hui avait été La Métaphysique des tubes. Je n'avais pas été emballée par ce roman, ma mère non plus d'ailleurs. J'avais donc décidé d'aller explorer d'autres auteurs et n'étais pas revenue à Amélie Nothomb pendant une vingtaine d'années. Et puis, au hasard de mes vicissitudes, je suis tombée sur Stupeur et tremblements, un roman très court. J'avais envie de changer d'univers, et je n'ai pas été déçue.

L'autrice a indéniablement un style et une fluidité d'écriture incroyables. Parfaitement accessible, le film de sa pensée est retranscrit de manière formidable, et c'est tellement agréable à découvrir.

On suit les jeunes années d'Amélie lorsqu'elle est en poste dans la société Yumimoto, pleine d'espérance et d'envie de bien faire. Admirative de ce pays traditionaliste, elle va cependant subir un choc culturel violent, même en ayant déjà vécu au Japon durant son enfance. De déconvenue en déconvenue, sans le faire véritablement exprès, Amélie va vite descendre de son piédestal pour être écrasée par l'art de vivre nippon.

C'est donc avec beaucoup d'humour que l'autrice nous livre sa déchéance, avec le recul des années et une compréhension sans doute plus claire qu'à l'instant où elle a vécu ces événements. J'ai trouvé l'ensemble parfaitement dosé, et j'y ai retrouvé ce personnage farfelu, totalement barré, que m'évoque Amélie Nothomb lorsque je la vois ou l'écoute dans des émissions. J'aime son décalage, son ironie, son je-m'en-foutisme exagéré, conduisant à certaines crises de nerfs inoubliables. Son imagination fertile trouve mille chutes à sa défenestration spirituelle devant les immenses baies vitrées.

J'ai particulièrement apprécié les rapprochements de l'autrice à la religion. Ses réflexions peuvent être grinçantes mais parfaitement maîtrisées, faisant des digressions succulentes pour ma part.

Stupeur et tremblements est un roman facile à lire. Et pourtant, j'ai ressenti le besoin d'aller plus en profondeur et de ne pas rester à la surface. Je souhaite avant tout parler de Fubuki Mori, la responsable d'Amélie, dont le comportement est bien loin des standards occidentaux. Son poste, elle l'a gagné à la sueur de son front, sans suer, rappelons que pour les Japonais, la sueur est le summum de la décadence. J'y ai vu la souffrance de cette femme qui a consacré sa vie au travail, stigmatisée par les hommes, devenue "vieille fille" pour un poste qui pourrait paraître ridicule dans un monde où la femme n'a pas encore sa place. Impossible de briser le plafond de verre imposé aux femmes dans le milieu professionnel japonais.

Entre admiration et incompréhension, Amélie va se soumettre à cette femme, qui reste figée dans son tout petit pouvoir d'autorité. Mais au final, qu'en avait à faire Amélie ? Nous, peut-être, nous nous serions révoltés, même en prenant en compte la différence de culture. Mais remettons un peu les choses dans leur contexte : Amélie Nothomb est la fille de l'ambassadeur de Belgique à Tokyo. Elle est là pour un stage et n'a en réalité pas besoin de ce travail pour subvenir à ses besoins. La notion triviale de l'argent et du salaire est loin de ses préoccupations, alors que pour toute autre personne, ce besoin d'argent serait primordial. Qu'en est-il pour Fubuki Mori ?

Je trouve donc qu'il y a des zones d'ombre dans ce texte, comme si cette expérience n'était qu'un essai dans le grand cycle de la vie, sans conséquence, sans drame, sans enjeu. Je trouve que les dés sont pipés, que ce qu'Amélie vit et raconte est certes drôle, mais qu'aurait été l'impact si ce n'avait pas été Amélie, mais été Émilie, Agnès ou Gertrude (je ne sais pas d'où vient ce prénom, mais il m'est venu comme ça).

Je n'ai pas l'explication de pourquoi ce livre a reçu le Grand Prix du Roman de l'Académie Française. Je trouve qu'un texte humoristique, une vision occidentalisée des us et coutumes du Japon, et une petite compassion pour les femmes qui veulent s'élever, ce n'est pas suffisant. Certes, c'est agréable à lire, mais cela manque pour moi de profondeur, de remise en question. Il aurait été intéressant qu'Amélie se demande, avec le recul : "Si j'avais su, aurais-je eu le même comportement ?"

Commentaires

  1. J'ai découvert la plume de l'autrice avec ce roman et j'en garde un bon souvenir même si j'avais aussi trouvé le fond mince finalement. Je n'y avais pas pensé mais tu as raison sur le fait que les dés étaient pipés et que la situation vécue par l'autrice n'était pas simple mais elle aurait pu avoir des conséquences terribles pour des personnes moins bien nées.
    Ps : pour l'anecdocte, mon père voulait m'appeler Gertrude et je dois dire je suis contente que ma mère n'ait pas cédé...

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    1. Je suis contente d'avoir lancer ce pavé dans la mare, et que tu adhères.
      Ps : pour l'anecdote, ma mère voulais m'appeler Hadrienne, je suis aussi contente que mon père n'ait pas cédé 😉

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