Power - Michaël Mention



Auteur : Michaël Mention
Edition : Stéphane Marsan
Genre : Historique
Sortie : 2018
Nombre de pages : 452

"ça a foiré à cause de nous. Pas à cause du FBI, de la came, des gang. Ils nous ont pourri la vie mais, le vrai problème, c'était nous. Trop pressés. Des siècles qu'on avait rien, alors on voulait tout et on a foncé. On était sur tous les fronts, tellement impliqués qu'on a rien vu venir. L'envie, c'est ce qui nous a tués."


Synopsis :

« Ici, comme dans les autres ghettos, pas d'artifice à la Marilyn, ni de mythe à la Kennedy. Ici, c'est la réalité. Celle qui macère, mendie et crève. » 1965. Enlisés au Vietnam, les États-Unis traversent une crise sans précédent : manifestations, émeutes, explosion des violences policières. Vingt millions d’Afro-Américains sont chaque jour livrés à eux-mêmes, discriminés, harcelés. Après l’assassinat de Malcolm X, la communauté noire se déchire entre la haine et la non-violence prônée par Martin Luther King, quand surgit le Black Panther Party : l’organisation défie l’Amérique raciste, armant ses milliers de militants et subvenant aux besoins des ghettos. Une véritable révolution se profile. Le gouvernement déclare alors la guerre aux Black Panthers, une guerre impitoyable qui va bouleverser les vies de Charlene, jeune militante, Neil, officier de police, et Tyrone, infiltré par le FBI. Personne ne sera épargné, à l’image du pays, happé par le chaos des sixties. Un roman puissant et viscéral, plus que jamais d’actualité.

Ce que j'en ai pensé :

Il y a certains livres que l'on choisit parce qu'ils collent à l'actualité et que l'on souhaite se faire sa propre opinion, comprendre comment tout ça a commencé, comment en est-on arrivé là, ne pas prendre ce que nous raconte les médias pour argent comptant, parce que justement il y a des sujets qui comptent. 

Comment ne pas s'arrêter quelques secondes, quelques minutes ou même, dans mon cas, quelques heures sur le mouvement Black Lives Matter ? Comment ne pas se remémorer cette résonnance particulière en mai 2020, à la mort de Georges Floyd, Afro-américain mort asphyxié par un policier blanc à Minéapolis ? Comment démêler le faux du vrai sans comprendre ses origines, l'histoire de ce pays, l'histoire de ces gens qui ont créé un mouvement qui a fait échos dans l'espace et le temps ? Pourquoi ne pas revenir quelques années en arrière et s'intéresser au Black Power, aux Blacks Panthers ?

Le roman Power est comme ces vieilles coupures de presse que l'on touche délicatement pour ne pas les abimer plus qu'elles ne le sont déjà. Ca papier jauni, lisse, presque transparent, sentant l'odeur des vieux cartons rangés dans le grenier que personne n'a ouvert depuis tant d'année. Ou mieux encore, ce roman est comme un roman intime trouvé dans un vieux mur d'une maison que l'on retape, mais en fait il ne s'agirait pas d'un seul journal, mais de trois qu'un ancien propriétaire c'est forcé à réunir pour que celui qui va les découvrir, poussé par la curiosité qui fait l'Homme, va forcément ouvrir et lire son contenu. Ces trois journaux tenus par trois personnes qui ne se connaissent pas qui pourtant vont se croiser et se recroiser sans prendre conscience réellement de qui est l'autre. Chacun avec ses mensonges, ses regrets, ses angoisses, sa violence qui lui est propre, sa vulnérabilité, sa dépendance, son épée de Damocles, et son choix ou plutôt ses choix qu'il aura fait pour tout simplement vivre.

Comme vous l'aurez compris ce roman n'est pas seulement un arrêt sur image ou un récit quelconque sur le BPP : Black Panther Party, mais une immersion profonde dans cette époque si particulière de la fin des années 60 aux Etats-Unis. Roman collégial porté par trois personnages fictifs évoluant parmi des personnages qui ont réellement existés.

Alors, au début, pour ceux comme moi qui n'y connaissement rien, on est forcément un peu perdu, comme si on était dépassé par ce qui est décrit, par ce qui s'est passé, par la violence de cette guerre des rues, cette guerre opposant noirs contre blancs ou blancs contre noirs, mais avec aussi des noirs soutenant les blancs et des blancs soutenant des noirs. et aussi des noirs contre des noirs et des blancs contre des blancs. Pas de camps à choisir ou au contraire quelque soit le camp, nous sommes obligés d'en choisir un, le meilleur, on, le moins pire, surement. Car oui, la vie, l'Histoire n'est jamais blanche ou noire, la vie n'est pas rose n'ont plus, et on évolue au rythme des couleurs que chacun veut nous faire vivre. 

Michaël Mention a su dépeindre avec beaucoup de réalisme cette histoire, Notre Histoire, même si moi j'habite à des milliers de kilomètres. Mais cette histoire qu'en est-elle, aujourd'hui, à l'heure de l'ultra médiatisation, et de l'ultra communication ? Peut-on faire comme si ce qui se passait de l'autre côté de l'Atlantique ne nous concernait pas ? Que jamais cela n'arriverait chez nous, que nos enfants ne connaitront jamais cette violence ? N'est-ce pas  ce qu'on avait dit d'un petit virus Covidé apparu de l'autre côté de la Terre ? Je pense qu'il faut rester en alerte, se faire son opinion, comprendre : ce roman est fait pour ça. L'auteur loin de tenir une plume manichéenne, a voulu entrer dans le dur, complexifié l'histoire pour quelle en soit d'autant plus proche de la réalité. De permettre cette transposition à l'époque actuelle. Il a créé des psychologie de personnages en résonnance avec une époque que nous n'avons pas connue mais qui est pourtant si proche de nous. 

C'est rare que je le dis, un récit magistral.

Citation :

"Nos ancêtres ont été emmené de force. Nos pères ont été fouettés, nos mères violées. Ils ont tous été exploités, affamés, lynchés, et ça continue aujourd'hui. Tant que nos frères en auront pas conscience, ça bougera pas.
- Admettons, dit Calvin. Et qu'est-ce que tu proposes ?
- Je ne sais pas… Faut rameuter du monde.
- C'est ce que l'on fait chaque fois.
- Beaucoup de monde. Plus il y a d'étincelles, plus il y a de feu."

"De Fanon, ils ont gardé la révolution.
De Malcon, il sont gardé la rage.
De King, il sont gardé la mesure.
Du Che, ils ont gardé l'anti-impérialisme.
De Bruber, il sont gardé le culot.
Du SSAC, ils ont gardé l'attachement à leurs racines.
De l'AAA, ils ont gardé la réflexion.
Du RAM, ils ont gardé le droit à l'autodéfense.
Des CAP, ils ont gardé les patrouilles de surveillance des flics.

Et toutes ces influences sont en train de créer quelque chose en eux, ils le sentent à chacun de leurs échanges. Quelque chose d'imminent, d'incroyablement excitant."

"La voilà, enfin. La plus majestueuse des fleurs, sur le point d'éclore. Longtemps, les hommes l'ont fantasmée. Longtemps, ils lui ont tout sacrifié, le meilleur comme le pire : elle, la révolution."

"Je prends un Coca, reviens au salon… et découvre, à l'écran, nos deux médaillés sur le podium.
Têtes baissées.
Poings levés.
Gantés de noir.
Je me fige et n'entends plus notre hymne, couvert par lle public. Applaudissements, mais aussi huées, sifflets. Smith et Carlos restent impassibles, montant au monde entier leur soutien au Black Power. Sur la deuxième marche, Peter Norman semble perdu avec sa médaille d'argent. Et ce blanc isolé, c'est moi."

"Avec le temps, "Etats-Unis" est devenus abstrait, un concept vide de sens, puisque nos Etats sont totalement désunis. J'aime le Seigneur et je crois en Lui de toute mon âme, mais Il ne peut pas nous aider politiquement. Nos souffrances sont des souffrances d'hommes et par conséquent, elles ne peuvent être résolues que par des hommes."

Les mots de la fin :

Epoque riche américaine que les années 60-70, après les déboires de Bobby Beausoleil, me voilà replongée dans cette époque ou le lsd est un principe de vie, la ségrégation une normalité et la guerre du Vietnam une ballade de santé. Michaël Mention nous plonge dans l'Histoire des Black Panthers en n'oubliant pas le fond de l'histoire qui en fait une grande Histoire. A découvrir absolument.

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