L'élégance du hérisson - Muriel Barbery

 

L'élégance du hérisson - Muriel Barbery
" Je m'appelle Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois.
Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.
Je m'appelle Paloma, j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches.
Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai. "

J'ai commencé ce roman en lecture audio sans rien savoir du livre, ni son synopsis, ni ses retours, rien , une découverte complète et je finis ce roman avec un sentiment mitigé. Il y a du très bon et du moins bon, et pour être totalement honnête, si je n’avais pas choisi le format audio, je ne suis pas certaine que je serais allée jusqu’au bout… Et pourtant, ça aurait été vraiment dommage.

Ce roman est exigeant, il demande du temps, de la concentration. On suit des tranches de vie dans un immeuble bourgeois, où les riches brillent… mais surtout grâce à ceux qui astiquent et briquent autour d’eux. J’ai beaucoup apprécié les réflexions de l’autrice sur cette société étincelante en apparence, mais creuse à l’intérieur. Car qu’on soit riche ou non, un Homme reste un Homme, avec ses obligations triviales.

Au cœur de cet immeuble, une concierge qui choisit volontairement de se montrer caricaturale et qui joue à fond le jeu des apparences. Mais derrière sa porte vitrée, Renée observe un monde vide, savoure des pâtisseries offertes par la femme de ménage portugaise, et rêve d’Anna Karénine. Et pourquoi pas ? Mais surtout, elle cache son QI élevé, pour éviter les complications. Et j’ai adoré ce personnage : sa langue mordante, son regard incisif, son ouïe abîmée par les paroles obséquieuses. Elle m’a offert les passages les plus savoureux du roman. J'ai eu souvent le sourire aux lèvres et quelques rires incontrôlés sont sortis de ma gorge.

À côté d’elle, on découvre Paloma, une toute jeune fille au regard dur, lucide, négatif même, sur le monde qui l’entoure. Une ado haut potentiel elle aussi, qui critique tout, analyse tout, sans réussir à trouver sa place. Elle déblatère dans son journal des pensées souvent justes mais parfois interminables, avec des envolées philosophiques qui ne m’ont pas toujours séduite. Peut-être parce qu’elles m’ont semblé parfois creuses, ou simplement parce que je n’ai pas réussi à m’y attacher.

Ce roman a un charme indéniable. Il est délicat, tendre, piquant, parfois trop long, parfois un brin pédant, mais globalement très bien construit. On y parle de beauté, de solitude, d’amitié, de résilience. Et la fin… ah, la fin ! Inattendue, abrupte, bouleversante qui m’a laissée sans savoir si le bien avait triomphé, ou si, au contraire, il avait été écrasé par la réalité. Un monde qui ne tourne pas si rond, mais qui tente quand même de se rattraper. J’ai retrouvé tout ce que j’aime chez une autrice qui sait appuyer là où il faut pour faire monter l’émotion.

C’est une lecture exigeante, à ne pas lire dans un moment de fatigue ou de décrochage. Mais si l’on accepte de s’immerger, de suivre ces deux voix si différentes, on y trouve une belle réflexion sur ce que veut dire "être vivant". Je suis très heureuse de l'avoir menée jusqu’au bout. Je suis très curieuse maintenant de découvrir l’adaptation cinématographique, qui m’a été chaudement recommandée.