L'homme qui lisait des livres - Rachid Benzine

https://img.livraddict.com/_thumbs/covers/658/658009/200_0/couv34138262.jpgL'homme qui lisait des livres - Rachid Benzine

Julien Desmanges, un jeune photographe français se rend en Palestine pour couvrir les bombardements dans la bande de Gaza. Un matin, lors d’une trêve, il s’aventure loin de son hôtel, dans les ruelles de la ville. Au hasard de sa déambulation, il tombe sur un vieil homme, assis devant le pas de porte de sa boutique, entouré de piles de livres. Tandis qu’il s’apprête à le photographier, le libraire l’interpelle et lui demande d’écouter son récit, car « n’y a-t-il pas derrière tout regard une histoire ? Celle d’une vie. Celle de tout un peuple parfois. » La conversation débute et l’homme, qui inlassablement relit devant sa bouquinerie ses livres, lui raconte son histoire. De l’exode à la prison, des engagements à la désillusion politique, des bonheurs de la vie, de l’amour, du théâtre, des enfants qu’on voit grandir et vivre, aux drames qui vous arrachent ceux que vous aimez. L’adage dit que lorsqu’un vieillard meurt c’est une bibliothèque qui brûle, c’est littéralement cette bibliothèque qu’ouvre et décrit Nabil Al Jaber à ce photographe venu de France.
Ponctué par les titres de ces textes qui ont jalonné son existence, le libraire raconte le destin d’un homme qui a décidé, dans le silence de la lecture, assis jour après jour, de ne pas « ajouter de malheurs au monde ».

En quelques mots :

Un roman court mais dense, où l’Histoire s’écrit dans la chair d’un homme. Nabil, né avant la création de la bande de Gaza, a tout connu : l’exil, la faim, les camps, les deuils — mais aussi la résistance, la sagesse, l’espoir. Sans jugement ou parti pris, Rachid Benzine donne à voir l’essentiel : une vie, une voix, une vérité nue, le tout à travers les livres qui l'ont suivi tout au long de sa vie.

En beaucoup plus de mots :

Un roman court, une respiration ténue dans le vacarme de l’actualité. Rachid Benzine nous emmène à Gaza, non pas dans un manifeste politique, non pas dans un plaidoyer, mais dans l’intimité d’un homme : Nabil Al Jaber qui est né, a grandi, a aimé, a combattu, a été emprisonné sur cette bande de terre qu’on voit tous les jours aux infos. Et c’est peut-être ça la force du roman : il n’explique rien, il ne justifie rien, il raconte. L’homme. Pas la cause. Pas la carte. L’homme. Et pour plus de neutralité encore, l'auteur présente Nabil comme un chrétien, aussi loin que proche du conflit.

"Une photographie capte un homme dans un instant, mais que reste-t-il dans l'image, de la vie de cet homme ? Surtout si on ne connait rien de lui."

Le regard posé sur lui est celui de Julien Desmanges, jeune photographe français, dont la narration m’a un peu tenue à distance. L'auteur a utilisé la seconde personne du singulier pour le présenter créant un étrange flottement, comme une fausse proximité. J’aurais aimé le voir, lui aussi, sortir un peu de l’ombre de son objectif, se sera trop tard, car il passera derrière l'objectif qu'à la toute fin du roman.

"Je n'ai pas pardonné, mais je sais qu'il existe des justes. Que l'impossible paix est la douleur partagée des justes des deux côtés."

Mais finalement peut importe puisque c'est Nabil qui attrape le lecteur. Il parle d’exode, de camps, de faim, de morts, de fatigue, de deuils en série, mais sans se plaindre. Il ne pardonne pas, il ne pleure pas. Il veut comprendre. Alors il lit. Encore, toujours, des livres comme des balises, des livres comme des armes, des livres comme une main tendue.

"Il est plus facile de parler des horreurs du monde que de la beauté des choses."

Ce qui m’a touchée, c’est la sagesse de Nabil. Il croit encore que l’homme peut contenir une part de lumière.

À travers ce récit, j’ai pensé à cette question : Si un inconnu venait vous écouter, que choisiriez-vous de dire ? Ce roman le montre bien : il faut du courage pour raconter sa vie sans maquiller ses failles.

Un texte qui rappelle que l’éducation est une force, que la neutralité peut avoir du sens, que la littérature peut faire lien là où la politique casse tout.

"C'est cela un grand livre. C'est un monde, un refuge et un miroir."

Un livre sans pathos, lucide, plein d’humanité. Il ne crie pas, mais il dit l’essentiel. Peut-être s’effacera-t-il avec le temps, mais il laisse une trace juste — celle de la dignité, et de la foi dans les livres.

Merci à #NetGalleyFrance pour la découverte de  #Lhommequilisaitdeslivres

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Silo, l'intégrale - Hugh Howey

Les sept sœurs, tome 8 : Atlas : L'histoire de Pa Salt - Lucinda Riley et Harry Whittaker

Le comte de Monte-Cristo, tome 1 - Alexandre Dumas

Les sept sœurs, tome 7 : La sœur disparue - Lucinda Riley

PAL ETE 2025