Claude Gueux -Victor Hugo
Auteur : Victor HugoEdition : Le livre de poche
Genre : Classique
Sortie : 1834
"Il y a sept ou huit ans, un homme nommé Claude Gueux, pauvre ouvrier , vivait à Paris."
Synopsis :
"Claude Gueux, honnête ouvrier naguère, voleur désormais, était une figure digne et grave. Il avait le front haut, déjà ridé, quoique jeune encore, quelques cheveux gris perdus dans les touffes noires, l'oeil doux, la lèvre dédaigneuse. C'était une belle tête. On va voir ce que la société en a fait." S'inspirant d'un fait divers qui eut lieu à Paris en 1832, et quelques années après Le Dernier Jour d'un condamné, Victor Hugo écrit un nouveau plaidoyer contre la peine de mort. Il dénonce la misère qui frappe les classes laborieuses, l'intransigeance bornée des chefs, et montre l'enchaînement fatal qui conduit les pauvres au crime. Ce n'est pas l'individu qu'il faut condamner, c'est la société qu'il faut réformer. Dans un débat toujours actuel, il prône l'éducation contre la prison.
Ce que j'en ai pensé :
J'ai choisi de lire Claude Gueux qui m'avait été offert par la Mairie l'année dernière comme cadeau de fin d'année (un classique par an, j'aime beaucoup, mais je pleure aussi du gâchis qu'il en est fait, puisque je ne suis pas sûre que beaucoup de livres ne finissent pas à la poubelle, mais c'est une plaidoirie que je devrais palabrer devant un autre public). Alors, pourquoi ce choix et surtout, pourquoi maintenant ?
Parce qu'il colle, encore une fois, à l'actualité, vous fidèles lecteurs de ce blog. Le dernier en date était Power de Michaël Mention, nous restons aux Etats-Unis, une fois encore, et sachez que j'ai dégainé cette œuvre après avoir su que la Virginie est devenue le mercredi 24 mars 2021, le premier Etat américain de l'ancien Sud confédéré à abolir la peine de mort, sachant que c'est d'autant plus symbolique que la Virginie était le premier Etat de l'histoire américaine à avoir mis en place la peine capitale (durant presque 400 ans). D'où ce choix que je juge judicieux de sortir ce livre qui dénonce les conditions de détention au XIXème siècle, la disproportion des délits et des peines à cette époque. Car souvenez-vous, la dernière personne ayant subit la peine de mort en France est Hamida Djanboubi, guillotiné le 10 septembre 1977 : soit 143 ans après le réquisitoire de Victor Hugo prônant l'éducation comme moyen d'apprentissage et non l'emprisonnement, mais tout de même la France a 44 ans d'avance sur la Virginie, cocorico !
Dès l'introduction de cet ouvrage, nous apprenons que Claude Gueux est emprisonné pour quelques petites années pour vol : un peu de nourriture pour sa famille illégitime (le mariage était la normalité à cette époque) qui se résume à une conjointe et un bâtard. Mais c'est au sein même de la prison dans laquelle il est incarcéré, que Claude Gueux va tuer, ce qui va le conduire vers l'échafaud, condamné à la peine de mort.
Je vais tout de suite faire une pause dans cette chronique pour vous dire que les critiques sur cette œuvre sont dithyrambiques mais ce ne sera pas mon cas. Non que je sois pour ou contre la peine de mort, je n'aborderai pas ce sujet ici, pas de thèse, d'antithèse ni de synthèse, c'est l'approche qu'en a fait Victor Hugo que je trouve non abouti et je reproche la manipulation qu'en fait l'auteur pour convaincre les autres dans son propre intérêt : à savoir l'éducation est une priorité, et il faudrait éduquer les gens plutôt que de les mettre en prison. Alors bien sûr je ne peux être que d'accord sur ce point, l'éducation est le socle assuré de toute nation, mais je ne suis pas d'accord avec le raccourci qu'en fait l'auteur.
Quand on commence la lecture de ce plaidoyer, , j'ai été surprise par la montée de la violence de Claude Gueux. En effet, celui-ci va délibérément décider de tuer le directeur des ateliers de la prison par simple caprice. Je suis dure, pas tant que ça je trouve.
Dans la prison, Claude Gueux n'est pas le plus à plaindre, il est respecté, il ne fait pas vraiment de vagues, il attend la fin de sa peine. Seul point négatif au tableau, le directeur, qui le titille régulièrement sur sa famille restée sans lui à l'extérieur de ces murs. Un directeur aussi bête que méchant, comme il y en a toujours eu. Première question que je me pose, pour avoir le poste de Directeur, cela implique donc qu'il a eu une certaines éducation, que n'a pas eu Claude Gueux, et cependant, cela ne l'empêche pas d'être méchant ? L'éducation n'a sans doute aucun modelage sur la nature et sur le fond de l'Homme.
Donc malgré les nombreuses invectives que Claude Gueux subit très régulièrement, celui-ci s'est fait un ami qu'il compare à un frère et même parfois à un fils : Albin. Celui-ci partage sa pitance avec Claude qui est un grand gaillard à l'estomac d'ogre. Frères de pain, Claude souffre moins de l'absence de nourriture.
Puis, le directeur décide de les séparer, simplement et sûrement par pure méchanceté, ça je ne peux pas le nier !! Mais voilà que Claude Gueux, va demander le retour de son camarade au directeur, ou sinon, il le tuera. Claude va prévenir, de nombreuses fois et il va exécuter ses menaces. Avait-il le droit de se venger du fait d'avoir perdu le seul ami qu'il avait dans ce lieu de promiscuité et surtout est-ce la faim qui lui a fait perdre cette décision ?
Alors ? J'ai plus l'impression d'un caprice d'une homme adulte attaché à la grandeur de son estomac. L'éducation nourrit l'esprit certes, mais nullement le corps. Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger, rappelez-vous Molière, si nous restons dans les auteurs français. Victor Hugo aurait-il oublié les messages de ses pairs ? Le corps et l'esprit sont théoriquement liés, mais l'appel des besoins vitaux sont me semble-t-il plus essentiels (on peut se référer une fois encore à la pyramide de Maslow). Erudits ou analphabètes ne sont-ils pas égaux face à la rareté des besoins vitaux : manque de sommeil, manque de nourriture, manque de soleil, plusieurs expériences scientifiques à travers le siècle dernier montrent que les personnes jugées comme stables psychologiquement pouvaient ne plus l'être suite à une absence prolongée de besoins essentiels à l'Homme. Il suffit de se référer au confinement, il n'y a pas si longtemps.
Mais ce n'est pas seulement que l'éducation est pour moi essentielle mais que dans des conditions similaires de vie, l'éducation de sera pas forcément une force, c'est également l'absence totale de positionnement de l'auteur en tant qu'acte réalisé avec préméditation !!! L'assassinat du Directeur n'a pas été accompli suite à un coup de sang alors que ce dernier était une fois encore humilié, non l'assassinat a été réfléchi, annoncé, délibéré et anticipé. Jamais Victor Hugo n'en parle dans son œuvre. Est-ce que ça rend le crime plus atroce ? Vous n'aurez sans doute pas la réponse aujourd'hui ni à la lecture de Claude Gueux.
Oui, Victor Hugo lance un pavé dans la marre, mais les ondes qui atteignent les bords de la conscience collective ne sont pas toutes analysées. C'est pour cette raison que je reste partagée sur ma lecture et beaucoup moins enthousiaste comparée à l'ensemble des critiques que j'ai pu lire sur ce texte.
Citations :
"L'entêtement sans l'intelligence, c'est la sottise soudée au bout de la bêtise et lui servant de rallonge. Cela va loin."
"-Allons, dit Claude froidement, j'ai bien dormi cette nuit sans me douter que je dormirais encore mieux la prochaine."
"Le peuple a faim, le peuple a froid. La misère le pousse au crime ou au vice, selon le sexe. Ayez pitié du peuple, à qui le bagne prend ses fils, et le lupanar ses filles. Vous avez trop de forçats, vous avez trop de prostituées. Que prouvent ces deux ulcères ! Que le corps social a un vice dans le sang. Vous voilà réunis en consultation au chevet du malade ; occupez-vous de la maladie."
Le mot de la fin :
Ce texte s'appuie sur une triste histoire pour faire passer un message à la classe élevée de l'époque mais laisse volontairement de côté certains sujets qui m'a cruellement manqué et en particulier la préméditation des actes. Ceux-ci portent préjudice à l'intérêt principal de ce texte à savoir la mise en avant de l'éducation et l'abolition de la peine de mort.
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