Le prophète - Khalil Gibran

 Khalil Gibran 
Auteur :

Edition : Casterman

Genre : Philosophie
Sortie : 1923
Pages : 95

Synopsis :
Durant toutes ces années, le prophète a côtoyé les collines, conversé avec les vents et murmuré au creux des arbres. Étranger au peuple d'Orphalese, il a pourtant appris à le connaître et à l'aimer. Or, à l'heure de repartir vers sa terre natale, il éprouve une grande tristesse. Car c'est au sein de ce peuple, grâce à tout ce que lui a insufflé ce lieu, qu'il a pu mûrir la sagesse qu'il va désormais dispenser. Et c'est à Orphalese qu'à l'heure de l'adieu, dans un ultime échange, il s'accomplit comme prophète. On l'interroge sur les grandes préoccupations humaines et, inlassablement, il chuchote sa réponse avec tendresse et compréhension, sans dogmatisme.

"Al mustafa, l'élu et le bien-aimé, qui était l'aurore de son propre jour, avait attendu durant douze années dans la cité d'Orphalese, que revînt le vaisseau qui devait le ramener dans l’île de sa naissance."

Ce que j'en ai pensé :

J'ai voulu à travers ce livre faire un hommage au Liban, suite à la catastrophe qui a terrassé Beyrouth il y a seulement quelques semaines, je voulais voir la beauté de ce pays, la beauté de ces gens qui en ont fait un beau pays, riche de part sa culture et de son histoire. Le Liban est une entité géopolitique que depuis 1920. A l'époque de Khalil Gibran fin du XIXème début XXème siècle, nous sommes post le conflit Turquie Egypte qui a ravagé la ville de Beyrouth en 1839 par les Anglais. Cette ville s'est relevé de ses blessures, elle le fera de nouveau.

Mais comment parler de ce livre sans parler de son auteur : Khalil Gibran, né en 1883 au Liban dans une très ancienne famille chrétienne, il émigre en 1894 avec sa mère à Boston, mais retourne au Liban pour faire ses études à Beyrouth, puis visite, la Grèce, l'Italie, l'Espagne puis s'installe à Paris pour étudier la peinture. Khalil Gibran n'est donc pas un auteur comme les autres riche de son époque, riche de sa culture, riche de ses origines. C'est à Pris que Khalil Gibran écrit "Les Esprits Rebelles", livre qui fut brûlé sur la place publique de Beyrouth, par ordre des autorités Turques et qui fut condamné comme hérétique par l’évêque Maronite (L'Église maronite étant rattachée à Rome depuis ses origines qui remontent au ve siècle). Oui je vous le disais une histoire riche avec beaucoup de communautés religieuses. Khalil Gibran décide donc de s'installer à New York ù il se consacre à la peinture et à la poésie. Il y meurt en 1931.

Khalil Gibran fut un pionnier du réveil des lettre arabes (nécessite de s'ouvrir aux réalités temporelles à la fois politique et religieux) à la fin du XIXème siècle, mais il fut aussi un remarquable artisan de la langue anglaise. Le prophète (1923 en version anglaise) est son chef d'oeuvre. Il en avait rédigé une première version en arabe à l'âge de 15 ans, deux fois, il avait remanié et amplifié celle-ci. C'est après la troisième version en arabe qu'il a fait la version anglaise qu'il a retravaillé quatre fois : "Je voulais être tout à fait sûr que chaque mot fût vraiment le meilleur que j'eusse à offrir".

Et donc c’est sur cette phrase que je rebondis suite à ma lecture, euphémisme mais nullement je ne critique le travail de Camille Aboussouan, mais les mots choisis ont, me semblent-ils, moins de force qu'ils n'auraient pu l'être si ça avait été Khalil  Gibran qui en aurait fait sa propre traduction en Français. J'ai parfois été déçu m'attendant à plus de force, de violence, de douceur dans les textes. Mais c'est pour moi, le seul défaut de l'oeuvre en sa forme et non en son fond.

Ce livre est une parenthèse que l'on ouvre dans sa vie quotidienne, où chacun d'entre nous oublie de prendre du temps pour soi. CE livre est une incitation à se poser des questions que l'on n'ose aps ou que l'on oublie de se poser. Il y a assez de sujets abordés différents pour que chacun, avec sa propre vision du monde, sa propre éducation, sa propre histoire, ses propres croyances, accorde plus ou moins d’intérêt à un chapitre ou à un autre : amour et amitié, mort, beauté, bien et mal, temps, parole, liberté, lois, ... 

Comme je le disais, chaque lecteur sera plus sensible à un thème plutôt qu'à un autre, mais ce roman à l'avantage d'être universel. Qui durant une heure ou deux ou seulement une petite-après-midi, vous permettra de respirer un air différent, sentir votre rythme cardiaque s'abaisser, voyager à travers le temps et l'espace, libérer votre esprit et lui permettre de vagabonder dans des recoins oubliés de votre âme.

Et finalement que nous soyons d'accord ou no avec ses vérités énoncées, ce n'est pas la finalité, une fois le livre refermé, c'est tout simplement ce temps gagné à avoir fait sa propre introspection pour continuer à avancer dans ce monde terrible qui nous entoure et tout comme Beyrouth se relever encore ...

Citations :

"Aimez-vous l’un l’autre, mais de l’amour ne faites pas des chaines :
Qu’il soit plutôt une mer se mouvant entre les rives de vos âmes.
Remplissez vos coupes l’un pour l’autre mais ne buvez pas dans une seule coupe.
Donnez-vous du pain l’un à l’autre mais ne mordez pas dans le même morceau.
Chantez et dansez ensemble, et soyez joyeux, mais que chacun puisse être seul, comme sont seules les cordes du luth alors qu’elles vibrent d’une même musique.
Donnez vos cœurs, mais pas à la garde l’un de l’autre. Car seule la Vie peut contenir vos cœurs dans sa main.
Restez l’un avec l’autre, mais pas trop près l’un de l’autre : Car les piliers du temple sont éloignés entre eux, et le chêne et le cyprès ne poussent pas dans l’ombre l’un de l’autre."

"Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont fils et filles du désir de vie en lui-même. Ils viennent par vous mais non de vous, et bien qu’ils soient avec vous, ce n’est pas à vous qu’ils appartiennent. Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées, car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez loger leurs corps mais non leurs âmes, car leurs âmes habitent la demeure de demain, que vous ne pouvez vous efforcer de leur ressembler, mais n’essayez pas qu’ils vous ressemble. Car la vie ne retourne pas en arrière ni s’attarde à hier." 

"Quand l'amour vous fait signe de le suivre, suivez le,
Bien que ses chemins soient rudes et escarpés.
Et lorsqu'il vous étreint de ses ailes, abandonnez-vous,
Bien que l'épée cachée dans ses pennes puisse vous blesser.
Et quand il parle, croyez en lui,
Bien que sa voix puisse briser vos rêves comme le vent du nord dévaste le jardin."

"Quelques-uns d’entre vous disent, « La joie est plus grande que la tristesse », et d’autres disent, « Non, c’est la tristesse qui est la plus grande ». Mais je vous dis, elles sont inséparables."

"Vous donnez peu lorsque vous ne donnez que de vos biens.
C'est en donnant de vous-mêmes que vous donnez véritablement.
En effet, que sont vos biens sinon des choses que vous gardez et défendez par crainte d'en avoir besoin demain ?"

"Qu'est-ce donc que mourir, si ce n'est s'offrir nu au vent et s'évaporer au soleil?
Quand vous aurez bu à la rivière du silence, alors seulement vous pourrez véritablement chanter.
Et lorsque vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez à monter.
Et dès lors que la terre aura réclamé votre corps, vous saurez enfin danser. "

Le mot de la fin :

Le prophète vous chuchotera les vérités que vous avez oubliées par la vie en mouvement perpétuel qui vous entoure. Il vous recentrera, vous élèvera. Il aura le secret d'arrêter les heures, le temps d'un claquement de doigts pour repartir plus fort. A lire et à relire, un fondamental.

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