Défi d'écriture Babelio de septembre 2020 - De la musique avant toute chose

 Et ben voilà très longtemps que je n'avais pas tenté de relever le défi d'écriture de Babelio, le dernier date de mai 2019, oui, je sais ça fait long.

Alors pour les personnes qui ne connaissent pas, Babelio propose tous les mois un thème et c'est à vous d'écrire quelque chose qui vous inspire : la taille et la forme de votre contribution sont libres, juste de l'amusement.


Pour le défi du mois de septembre, nous vous proposons de nourrir votre écriture d’une dimension souvent attribuée à la poésie : la musicalité. En ayant à l’esprit ce vers de Verlaine “De la musique avant toute chose”, vous pourrez laisser libre cours à votre imagination, en écrivant dans le genre que vous souhaitez. Qu’il s’agisse de la musique comme thème d’un récit ou comme rythme d’un poème de la forme qu’il vous plaira d’adopter, emportez vos lecteurs sur les portées virevoltantes de vos partitions faites de mots ! 


Et voilà l'inspiration du moment : entre noirceur de la vie et couleur de l'âme ... Vous savez ceux qui suivent mes différents écrits que j'aime explorer les sens, je réitère une nouvelle fois, avec un genre que je n'avais pas encore explorer qui me permettra peut être de découvrir de nouveaux personnages pour le futur.

N'hésitez pas à me laisser vos commentaires, ils me sont chers et c'est important pour moi. Merci.


- Et chut, tu entends ?

- Non, pourquoi ?

- Y a pas d'pourquois, tu entends ou pas ?

-Ouais, pt'être bien.

- T'es lourd

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En fait, j'entends pas ce qu'il veut que j'entende, c'est pas ma faute, moi. J'ai eu des otites encore et encore quand j'étais ptit, alors j'ai eu mal aux oreilles tout le temps. Des fois j'me rappelle la douleur était tellement forte que je me tapais la tête contre le mur - Bang  - Bang - Bang - Un jour j'me suis éclaté l'arcade. Ouais, j'avais du sang plein la gueule, j'ai plus bougé, j'avais mal à en crever. Sais plus quel âge j'avais mais j'devais pas être bien grand. Ma daronne est arrivée, elle m'a tiré par le bras et m'a balancé sur le matelas par terre qui me servait de lit, me disant que je la faisais encore chier, qu'elle allait pas passer son temps chez le médecin à cause de moi, qu'elle avait pas que ça à foutre. Elle est sortie. Et moi, j'ai appuyé de toute mes forces avec ma paume sur mon front pour essayer d'arrêter le sang qui coulait dans mon œil. Elle est revenue a arraché ma main, m'a enfoncé un torchon dégueulasse dans l’œil m'arrachant le seul cri que je retenais depuis le début. "Oh ça va, fait pas semblant". Je suis resté immobile jusqu'à ce qu'elle se barre enfin. Sale pute ! Si j'avais était mon daron, j'me serais barré aussi, t'es trop conne.

Je sais pas pourquoi je pense à ça, maintenant mais je sais au moins une chose : que je n'entends pas tout, alors j'ai beau faire un effort et essayer d’entendre ce que Bobby veut me faire entendre et bien, que dalle. J'm'en fous de toute façon, j'entends largement assez.

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- Aller, viens, on va voir.

- Tu veux aller voir quoi encore, j'ai la dalle et j'ai froid, viens on rentre.

- Non attends, écoute.

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Oh, il me fait chier à vouloir que j'écoute, voilà quatre heures qu'on traîne dans ce putain de quartier parce que j'ai rien d'autre à faire, j'veux pas rentrer chez moi, pas envie de voir la grosse en train de se faire sauter par son connard de mac. C'est sûr que si j'avais voulu dealer sa merde, j'serai au chaud, des billets dans le froc et p't'être même que ce serait moi qui serait en train de sauter une meuf.

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Je suis toujours Bobby dans une ruelle qui ressemble à toutes les autres ici : papiers gras, poubelles débordantes avec l'odeur qui te prend à la gorge à t'en faire dégueuler, sans compter l'odeur de pisse du clodo qui dort sur ses cartons.

- Tu fais quoi Bobby ?

- Et maintenant tu entends ?

Ouais, je sais. Bobby c'est mon meilleur pote, élevé seul par son père, sa mère est morte à sa naissance. Il fait de son mieux pour son fils et c'est chez lui que je passe le plus de temps et c'est un peu grâce à lui que je n'ai pas encore sombrer, c'est l'daron que j'ai jamais eu.

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J'avance, j'retiens mon souffle pour me concentrer à entendre. Et je comprends enfin ce qu'il l'a attiré, c'est vibrant.

Au dessus de ma tête, devant cette façade quelconque, deux étages au dessus de nous, je sens les ondes et je les entends s'infiltrer en moi. Putain, je n'ai rien entendu de pareil. Je peux pas te dire quel genre c'est, parce que c'est pas mon truc moi, tu sais, la musique à la radio c'est juste un bruit de fond, j'm'en tape. Mais là, ça me fait quelque chose.

Je regarde Bobby. Putain, il est passé où ce con ! J'le vois assis par terre adossé au mur de l'immeuble d'en face, il vient de s'allumer une clope, il regarde la fenêtre éclairée et c'est comme si plus rien n’existait pour lui.

J'm'assois aussi, lui tire sa clope et tire dessus et j'm'arrête, le temps s'arrête autour de moi.

Nouveau son.

Et là j'ai l'impression que mon cœur va sortir de ma poitrine. Est-ce que ça te l'a déjà fait, ce qui se passe dans ma tête : le son, ça se transforme en couleur, mais en belles couleurs en plus. Je vois des lignes rouges, oranges, jaunes qui se croisent, qui se suivent, qui se jettent l'une sur l'autre. Je vois des tâches de couleurs : bleues, turquoises, violettes. dans ma tête c'est comme ces tableaux qu'on trouve au musée et que ces connards de riches regardent des heures en disant des trucs intelligents, alors que toi tu dis que c'est une grosse merde. La dernière fois que j'ai vu ce genre de truc, c'est dans une série à la con où ils étaient à un "vernissage". Ouais, un vernissage, qui va à un vernissage, sérieux !!! Et bien là, la musique, elle me vernit le crâne et je ne peux pas m'arrêter, je suis obséder par ces couleurs qui tapent qui bougent qui me remuent les tripes. C'est tellement fort à l'intérieur de moi que je dois fermer les yeux : je suis bien pour une fois, le cerveau en off, moi et ce putain de son qui me traverse, me remplit me sature. Cette musique qui est en train de me faire éclater de l'intérieur.

Puis plus rien, j'ouvre les yeux. J'entends plus rien. Plus de lumière à la fenêtre. Bobby s'est déjà levé et écrase de son pied la clope qu'il a dû récupérer pendant mon coma musical.

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- Alors tu bouges ?

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Je suis comme bloqué par terre, immobile, je viens d'être foudroyé : un coup de foudre musical, moi le mec qui n'entends pas bien, moi, le mec qui n'écoute jamais cette putain de radio. Et bien, là, cette musique, tu sais quoi, cette musique avant toute chose.

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