De la part de la princesse morte - Kenizé Mourad
Auteur : Kenizé Mourad
Edition : Le livre de poche
Genre : Autobiographie romancée
Sortie : 1987
Pages : 864
Ma note : 16/20
Synopsis :
Selma a sept ans quand elle voit s'écrouler son empire. Condamnée à l'exil, la famille impériale s'installe au Liban. Selma, qui a perdu à la fois son pays et son père, y sera 'la princesse aux bas reprisés'. C'est à Beyrouth qu'elle grandira et rencontrera son premier amour, un jeune chef druze ; amour tôt brisé. Selma acceptera alors d'épouser un raja indien qu'elle n'a jamais vu. Aux Indes, elle vivra les fastes des maharajas, les derniers jours de l'Empire britannique et la lutte pour l'indépendance. Mais là, comme au Liban, elle reste 'l' étrangère' et elle finira par s'enfuir à Paris où elle trouvera enfin le véritable amour. La guerre l'en séparera et elle mourra dans la misère, à vingt-neuf ans, après avoir donné naissance à une fille : l'auteur de ce récit.
Ce que j'en ai pensé :
J'ai emprunté ce livre à ma grand-mère qui m'avait été conseillé par ma mère (ça reste une histoire de famille !).
Bien consciente que le synopsis n'est pas très engageant, j'ai été très étonnée par l'intérêt et la fluidité de ce roman.
Nous suivons l'histoire de Selma, petite-fille d'un sultan turc déchu par son frère qui a pris le pouvoir à sa place et qui l'a fait emprisonner. Heureusement, le même sort n'est pas soumis à ces femmes et ses enfants. Selma est une petite fille intelligente, riante, un peu capricieuse et qui adore la vie. Elle évolue dans le sérail et explore le palais de fond en comble. Les descriptions des lieux, de la baie du Bosphore, des rues d'Istanbul sont une merveille à lire sous la plume de Kenizé Mourad. J'ai accompagné Selma partout où elle se déplaçait imaginant chaque lieu, chaque personne rencontrée avec beaucoup de détails.
Mais malheureusement, l'empire ottoman est à bout de souffle et s'écroule. Le contexte historique, militaire est encore une fois très bien décrit sans être trop long et compliqué, ce qui m'a permis d'apprendre beaucoup sur cette période si peu évoquée dans nos livres scolaires.
Selma et ces proches arrivent à fuir et se réfugient au Liban. Mais la chute est difficile pour cette enfant qui n'a jusque là connu que paresse et luxe. Nous voyons donc évoluer cette enfant en jeune fille de plus en plus sure d'elle, s'affirmant auprès des autres évoluant dans un monde en mutation. Nous rencontrons son nouveau cercle d'amis, son premier amour, sa tristesse lorsque son cœur est brisé. La pauvreté cachée derrière les bonnes manières et une éducation distinguée. Une mère aux abois, qui ne cherche pas à se battre pour vivre et qui tombe tous les jours, un peu plus, en dépression.
Il ne faut pas oublier que Selma est de sang royal, elle ne peut pas être promise à n'importe qui et c'est un riche maharaja qui aura sa main. Un voyage interminable se prépare entre le Liban et les contreforts de l'Himalaya en Indes. On ne peux pas dire que son mari ne soit pas gentil avec elle, mais c'est surtout l'influence de sa belle-mère qui va conduite ce couple vers l'implosion. Kenizé Mourad, nous livre une fois de plus, des paysages grandioses, une aventure exceptionnelle où je ne me suis pas du tout ennuyée. J'ai énormément appris lors de ce passage en Inde sur les différents courants de l'Islam, notamment le sunnisme et le chiisme. En effet, Selma et son époux sont tous deux de confession musulmane mais pas du même courant, avec des visions différentes de l'origine de cette religion et des "traditions" (ne m'en voulez pas si je n'utilise pas le bon terme) qui en découlent et ne font qu'amplifier leurs désaccords.
J'ai vraiment trouvé ce livre très instructif, écrit de façon romancé ce qui permet de ne pas s'ennuyer et de continuer à se cultiver. Je vous le conseille fortement si vous voulez vous évader malgré qu'il soit écrit avec des bases extrêmement solides. Ce n'est pas totalement un coup de cœur, car je suis un peu restée sur ma fin. Je sais qu'il existe une suite : Les jardins de Badalpour, que je n'ai pas encore lu, peut-être qu'il répondra aux quelques questions que je me pose.
Ce qu'il me reste dans la tête :
La mère de Selma qui vend ses parures de bijoux incroyable comme je n'en aurai jamais ;).
Le voyage en train de Selma pour retrouver son futur époux, totalement voilée, elle qui n'était pas du tout accoutumée à cela.
Les bagarres au pieds du palais indiens lors de, et j'espère que vous m'excuserez par avance, je ne sais qu'elle fête religieuse.
La fête à bord du grand bateau à Beyrouth.
Citations :
"Elle a fermé les yeux, elle voit Istamboul détruite, sa ville bien-aimée. Détruit, le palais de Topkapi, qui abrita les règnes de vingt-cinq sultans... saccagés, les kiosques de marbre, les fontaines d'albâtre et de porcelaine... détruite, Dolma Bahtché, rêve blanc né du Bosphore... brûlées, les mille mosquées, orgueil de la ville des khalifes, les caravansérails et les anciennes médrésés, toutes ces merveilles élaborées au cours des siècles... anéantie, cette harmonie... voué à l'oubli, cet enchantement"
"Dieu sait si au début elle lui en a voulu de l'obliger à être libre et de lui répondre, lorsqu'elle lui demandait conseil, que tous les buts se valent du moment que l'on vit à fond, que l'important n'est pas d'arriver mais de marcher et surtout de trébucher car cela nous oblige à nous remettre en question. Il disait aussi que les idéaux sont des cercueils qui nous paralysent, nous empêchent de voir et d'entendre, que seuls les imbéciles et les faibles agissent pour un idéal - qu'ils ont emprunté ou se sont forgés - car ils n'ont pas le courage de se tenir debout sans tuteur. Et puis il parlait du bonheur qui ne vient pas de tel ou tel événement mais de notre capacité à vivre l'instant quel qu'il soit, car c'est nous seuls qui donnons aux choses leur couleur triste ou gaie."
"Dans les veines de Selma coule le sang de trente huit sultans - six siècles d'absolu pouvoir - mais également six siècles de courtisanes. Elle est à parts égales fruit de ces deux lignées : à la fois reine et esclave."
"Elle s'est jetée dans l'herbe, avidement elle en respire l'odeur humide, la tête lui tourne ; dans ses jambes, dans son ventre montent les vibrations chaudes de la terre, elle a l'impression de s'y fondre. Elle n'est plus Selma, elle est bien davantage, elle est ce brin d'herbe, et ces feuilles, et cette branche qui s'étire pour atteindre un nuage, elle est cet arbre qui plonge ses racines jusque dans l'antre obscur et mystérieux de sa naissance, elle est le bruissement de la source et son eau transparente qui fuit et toujours reste là ; elle est la caresse du soleil et le tournoiement du vent, elle n'est plus Selma, elle est, tout simplement."
"Une forte odeur de jasmin la tire de ses réflexions. Ils sont arrivés devant le wagon indigo, aux couleurs de l'Etat. Au pied des marches, d'énormes bouquets blancs embaument. Qui a pensé à l'accompagner de ses fleurs préférées ? "Amir" sourit Zahra en réponse à sa question muette. Les larmes longtemps contenues montent aux yeux de Selma. Amir ?... Pourquoi si tard ? Est-ce parce qu'elle part qu'il est capable enfin, d'exprimer un peu d'amour ?
Bouleversée, elle a pénétré dans le compartiment et s'est avancée vers lui. A cette minute, s'il lui demandait de rester, elle tomberait dans ses bras.
Il se contente de la regarder, et recule, imperceptiblement."
Récompenses :
Grand prix des lectrices Elle - roman - 1988
Le mot de la fin :
J'ai été réellement séduite par ce livre qui m'a fait voyager à travers l'histoire et l'orient. Une très belle découverte où Kenizé Mourad joue avec les mots, avec les émotions pour nous emporter loin. Elle nous raconte l'histoire de sa mère qui a vécu le meilleur comme le pire tout en restant par son écriture très objective. Un régal à découvrir.
Edition : Le livre de poche
Genre : Autobiographie romancée
Sortie : 1987
Pages : 864
Ma note : 16/20
Synopsis :
Selma a sept ans quand elle voit s'écrouler son empire. Condamnée à l'exil, la famille impériale s'installe au Liban. Selma, qui a perdu à la fois son pays et son père, y sera 'la princesse aux bas reprisés'. C'est à Beyrouth qu'elle grandira et rencontrera son premier amour, un jeune chef druze ; amour tôt brisé. Selma acceptera alors d'épouser un raja indien qu'elle n'a jamais vu. Aux Indes, elle vivra les fastes des maharajas, les derniers jours de l'Empire britannique et la lutte pour l'indépendance. Mais là, comme au Liban, elle reste 'l' étrangère' et elle finira par s'enfuir à Paris où elle trouvera enfin le véritable amour. La guerre l'en séparera et elle mourra dans la misère, à vingt-neuf ans, après avoir donné naissance à une fille : l'auteur de ce récit.
Ce que j'en ai pensé :
J'ai emprunté ce livre à ma grand-mère qui m'avait été conseillé par ma mère (ça reste une histoire de famille !).
Bien consciente que le synopsis n'est pas très engageant, j'ai été très étonnée par l'intérêt et la fluidité de ce roman.
Nous suivons l'histoire de Selma, petite-fille d'un sultan turc déchu par son frère qui a pris le pouvoir à sa place et qui l'a fait emprisonner. Heureusement, le même sort n'est pas soumis à ces femmes et ses enfants. Selma est une petite fille intelligente, riante, un peu capricieuse et qui adore la vie. Elle évolue dans le sérail et explore le palais de fond en comble. Les descriptions des lieux, de la baie du Bosphore, des rues d'Istanbul sont une merveille à lire sous la plume de Kenizé Mourad. J'ai accompagné Selma partout où elle se déplaçait imaginant chaque lieu, chaque personne rencontrée avec beaucoup de détails.
Mais malheureusement, l'empire ottoman est à bout de souffle et s'écroule. Le contexte historique, militaire est encore une fois très bien décrit sans être trop long et compliqué, ce qui m'a permis d'apprendre beaucoup sur cette période si peu évoquée dans nos livres scolaires.
Selma et ces proches arrivent à fuir et se réfugient au Liban. Mais la chute est difficile pour cette enfant qui n'a jusque là connu que paresse et luxe. Nous voyons donc évoluer cette enfant en jeune fille de plus en plus sure d'elle, s'affirmant auprès des autres évoluant dans un monde en mutation. Nous rencontrons son nouveau cercle d'amis, son premier amour, sa tristesse lorsque son cœur est brisé. La pauvreté cachée derrière les bonnes manières et une éducation distinguée. Une mère aux abois, qui ne cherche pas à se battre pour vivre et qui tombe tous les jours, un peu plus, en dépression.
Il ne faut pas oublier que Selma est de sang royal, elle ne peut pas être promise à n'importe qui et c'est un riche maharaja qui aura sa main. Un voyage interminable se prépare entre le Liban et les contreforts de l'Himalaya en Indes. On ne peux pas dire que son mari ne soit pas gentil avec elle, mais c'est surtout l'influence de sa belle-mère qui va conduite ce couple vers l'implosion. Kenizé Mourad, nous livre une fois de plus, des paysages grandioses, une aventure exceptionnelle où je ne me suis pas du tout ennuyée. J'ai énormément appris lors de ce passage en Inde sur les différents courants de l'Islam, notamment le sunnisme et le chiisme. En effet, Selma et son époux sont tous deux de confession musulmane mais pas du même courant, avec des visions différentes de l'origine de cette religion et des "traditions" (ne m'en voulez pas si je n'utilise pas le bon terme) qui en découlent et ne font qu'amplifier leurs désaccords.
J'ai vraiment trouvé ce livre très instructif, écrit de façon romancé ce qui permet de ne pas s'ennuyer et de continuer à se cultiver. Je vous le conseille fortement si vous voulez vous évader malgré qu'il soit écrit avec des bases extrêmement solides. Ce n'est pas totalement un coup de cœur, car je suis un peu restée sur ma fin. Je sais qu'il existe une suite : Les jardins de Badalpour, que je n'ai pas encore lu, peut-être qu'il répondra aux quelques questions que je me pose.
Ce qu'il me reste dans la tête :
La mère de Selma qui vend ses parures de bijoux incroyable comme je n'en aurai jamais ;).
Le voyage en train de Selma pour retrouver son futur époux, totalement voilée, elle qui n'était pas du tout accoutumée à cela.
Les bagarres au pieds du palais indiens lors de, et j'espère que vous m'excuserez par avance, je ne sais qu'elle fête religieuse.
La fête à bord du grand bateau à Beyrouth.
Citations :
"Elle a fermé les yeux, elle voit Istamboul détruite, sa ville bien-aimée. Détruit, le palais de Topkapi, qui abrita les règnes de vingt-cinq sultans... saccagés, les kiosques de marbre, les fontaines d'albâtre et de porcelaine... détruite, Dolma Bahtché, rêve blanc né du Bosphore... brûlées, les mille mosquées, orgueil de la ville des khalifes, les caravansérails et les anciennes médrésés, toutes ces merveilles élaborées au cours des siècles... anéantie, cette harmonie... voué à l'oubli, cet enchantement"
"Dieu sait si au début elle lui en a voulu de l'obliger à être libre et de lui répondre, lorsqu'elle lui demandait conseil, que tous les buts se valent du moment que l'on vit à fond, que l'important n'est pas d'arriver mais de marcher et surtout de trébucher car cela nous oblige à nous remettre en question. Il disait aussi que les idéaux sont des cercueils qui nous paralysent, nous empêchent de voir et d'entendre, que seuls les imbéciles et les faibles agissent pour un idéal - qu'ils ont emprunté ou se sont forgés - car ils n'ont pas le courage de se tenir debout sans tuteur. Et puis il parlait du bonheur qui ne vient pas de tel ou tel événement mais de notre capacité à vivre l'instant quel qu'il soit, car c'est nous seuls qui donnons aux choses leur couleur triste ou gaie."
"Dans les veines de Selma coule le sang de trente huit sultans - six siècles d'absolu pouvoir - mais également six siècles de courtisanes. Elle est à parts égales fruit de ces deux lignées : à la fois reine et esclave."
"Elle s'est jetée dans l'herbe, avidement elle en respire l'odeur humide, la tête lui tourne ; dans ses jambes, dans son ventre montent les vibrations chaudes de la terre, elle a l'impression de s'y fondre. Elle n'est plus Selma, elle est bien davantage, elle est ce brin d'herbe, et ces feuilles, et cette branche qui s'étire pour atteindre un nuage, elle est cet arbre qui plonge ses racines jusque dans l'antre obscur et mystérieux de sa naissance, elle est le bruissement de la source et son eau transparente qui fuit et toujours reste là ; elle est la caresse du soleil et le tournoiement du vent, elle n'est plus Selma, elle est, tout simplement."
"Une forte odeur de jasmin la tire de ses réflexions. Ils sont arrivés devant le wagon indigo, aux couleurs de l'Etat. Au pied des marches, d'énormes bouquets blancs embaument. Qui a pensé à l'accompagner de ses fleurs préférées ? "Amir" sourit Zahra en réponse à sa question muette. Les larmes longtemps contenues montent aux yeux de Selma. Amir ?... Pourquoi si tard ? Est-ce parce qu'elle part qu'il est capable enfin, d'exprimer un peu d'amour ?
Bouleversée, elle a pénétré dans le compartiment et s'est avancée vers lui. A cette minute, s'il lui demandait de rester, elle tomberait dans ses bras.
Il se contente de la regarder, et recule, imperceptiblement."
Récompenses :
Grand prix des lectrices Elle - roman - 1988
Le mot de la fin :
J'ai été réellement séduite par ce livre qui m'a fait voyager à travers l'histoire et l'orient. Une très belle découverte où Kenizé Mourad joue avec les mots, avec les émotions pour nous emporter loin. Elle nous raconte l'histoire de sa mère qui a vécu le meilleur comme le pire tout en restant par son écriture très objective. Un régal à découvrir.
Oh dis donc, celui-là aussi est dans ma PAL ! ^^
RépondreSupprimersauf qu'il ne m'avait jamais fait tres envie... mais tu as réussi à le rendre intéressant !
J'avais eu l'occasion de lire ce roman quand l'auteur en a fait deux tomes pour les éditions Flammarion jeunesse en enlevant des passages un trop longs pour un lectorat plus jeune. J'avais beaucoup aimé et je possède la suite que je n'ai pas encore lue. Je te souhaite une belle découverte de celle-ci. Je pense relire ce roman dans son intégralité dans quelques années. J'ai aussi été étonnée de la fluidité, du plaisir que j'ai eu à découvrir cette histoire qui n'avait pas les critères qui m'attirent d'habitude.
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