Fille de Fer - Isabelle Grégoire


A
uteur : Isabelle Grégoire
Edition : Québec Amérique
Genre : Contemporain
Publication originale : 2019
Pages : 231


"Ma nuit a été trop courte, et les trois cafés n'y changent rien."


Synopsis :
Seule femme dans un monde d'hommes qui lui est hostile, Marie est conductrice de train minier dans le Nord québécois. Un soir de tempête, son convoi s'immobilise. Déraillement ? Elle se précipite au-dehors pour mesurer les dégâts et se retrouve face contre neige, blessée. Elle est recueillie par un mystérieux ermite, envoûtant et lettré. Sur fond de préoccupations environnementales, de tensions entre Blancs et autochtones, se tisse une histoire d'amour. Une histoire périlleuse et sauvage, comme le territoire que Marie sillonne avec son train.

Ce que j'en ai pensé :

Fille de fer est le genre de livre totalement atypique que j'affectionne de lire de temps en temps.

Commandé sur le site de la librairie du Québec à Paris, ce roman venu du froid m'a fait passer quelques heures au cœur de la Nature glacée dans le Nord Québécois. Accent et expressions à l'appui, rien de tel pour un vrai dépaysement.

Mais plus qu'une aventure ou un voyage les pieds dans la neige, ce livre passe de nombreux messages particulièrement d'actualité.

Tout d'abord, le thème de la mixité. Une jeune femme qui décide par conviction de faire le métier jusque là réservé aux hommes (conductrice de train minier et pourtant le terme existe bien au féminin !!), elle va devoir évoluer dans un monde 100% masculin ou presque. Blagues grivoises, sarcasme sur ses capacités physiques, déstabilisation psychologique, Marie subit, répond, garde le cap et roule des jours et des jours, seule à bard de son gigantesque engin.

Marie est donc une femme comme n'importe quelle femme avec ses points forts et ses points faibles. Isabelle Grégoire va entrer très profondément dans le conscient de son personnage, voire même de son inconscient, pour arriver à interpréter son âme, ses désirs, ses illusions et ses désillusions ; parce que l'on ne peut pas être seulement un bloc de glace, chacun d'entre nous est porté par ses sentiments.

Et puis pourquoi cette femme ne pourrait pas faire un métier d'hommes ? A force de persévérance, elle arrivera à gagner le respect de tous et de se faire accepter mais le chemin ne va pas être de tout repos.

Marie est une femme forte et c'est tout de même dommage que la femme doive encore montrer qu'elle en a pour se faire accepter. Comme le disait Mark Twain : "Elle ne savait pas que c'était impossible, alors elle l'a fait".

Le second thème abordé dans ce roman : c'est la cause environnementale. Qui dit minerais, dit carrière, dit approvisionnement, dit train, dit chemin de fer, dit tracé, dit intégration environnementale (voire sociétale).

Entre défenseur de la nature et plus particulièrement les peuples autochtones et "Blanc" défenseur de la mondialisation, Isabelle Grégoire dresse un portrait réaliste de la situation sans jamais trop se positionner, laissant le lecteur choisir son camp. Mais y a-t-il un camp ? Ne devons-nous pas faire les bons choix ensemble ? C'est ce que la fin du roman nous laisse à penser.

Un court roman à découvrir qui laisse la place également aux relations familiale, amicale et amoureuse, avec tout de même une pointe de suspens qui accélère considérablement la lecture de la fin de ce roman.

Citations :

"Dan Rhéaume est chef de train. Un des vieux de la veille, parmi les plus machos de la gang
-Jamais bon signe, ça, deux femmes ensemble qui jasent pas fort, continue-t-il sans once d'humour.
-On ne te retient pas, mon Dan, sens-toi ben à l'aise d'aller jouer ailleurs, réplique Carole, moqueuse.
-Hé ! la cook, qu'est-ce qui te prend ? Icitte, c'est nous autres qui te tolèrent, pis pas le contraire, t'as pas encore compris ça ? C'est pas parce qu'astheure vous êtes deux pisseuses dans cabane que vous allez nous bosser, j't'en passe un papier. Faque reste dans ta cuisine, continue à nous faire du bon manger pis ferme-la."

"Pour mes collègues, je suis une sorcière, comme celles que les hommes brûlaient au Moyen-Age, croyant que ça éliminerait leurs problèmes. Si je les écoutais, je devrais démissionner.
-Ne leur fait pas ce plaisir, don't let them win.
-J'aime trop ma job pour ça, mais il y a des jours où j'y pense.
-Oh, I understand you so well, a-t-il soufflé, l'air soudainement lointain."

Le mot de la fin :

Un roman rafraichissant qui met en avant la place de la femme dans un métier considéré comme masculin par les paires, et met en avant la place de l'écologie dans nos vies. Loin du roman militantisme, Isabelle Grégoire trouve les mots simples pour nous proposer une histoire où chacun d'entre nous peut se reconnaitre.

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