La servante écarlate - Margaret Atwood

 

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La servante écarlate - Margaret Atwood
Dans un futur peut-être proche, dans des lieux qui semblent familiers, l'Ordre a été restauré. L'Etat, avec le soutien de sa milice d'Anges noirs, applique à la lettre les préceptes d'un Evangile revisité. Dans cette société régie par l'oppression, sous couvert de protéger les femmes, la maternité est réservée à la caste des Servantes, tout de rouge vêtues. L'une d'elle raconte son quotidien de douleur, d'angoisse et de soumission. Son seul refuge, ce sont les souvenirs d'une vie révolue, d'un temps où elle était libre, où elle avait encore un nom.

Devenu classique de la littérature contemporaine, traduit dans plus de 40 langues, vendu à plus de 8 millions d'exemplaires à l'échelle internationale y compris plus de 3 millions depuis les élections présidentielles des Etats-Unis de 2016, est-ce que ce chiffre sera réitéré en 2025 ? Distingué à de nombreuses reprises, ce roman fait désormais parti du paysage livro-televisio-culturel.

Mais qu'est ce qui a conduit ce roman à devenir incontournable ?

Ce n'est surement pas l'écriture de Margaret Atwood qui est totalement détachée de son personnage Defred qui, dès le début, m'a rappelé le style de Aldous Huxley avec Le meilleur des mondes. Pas étonnant puisque l'autrice évoque en postface qu'elle a été passionnée dès l'adolescence par 1984, le meilleur des mondes et Fahrenheit 451. Et oui, clairement, le ton est donné à ce roman et c'est le même ou presque, chaque auteur ayant son propre style.

C'est donc avec froideur que j'ai découvert la vie de Defred avant la création de la république de Gilead, régime totalitaire où la femme a perdu son compte en banque, son travail. Le rôle d'épouse ne fait que l'exception. Certaines d'entre elles deviendront qu'un réceptacle à spermatozoïdes bringuebalants pour membres décharnés... des commandants, mais j'en dis déjà un peu trop dès le début.
Ces passages de la vie d'avant sont parsemés dans le roman et ne répondent pas à toutes les questions que le lecteur serait amené à se poser. Je me suis demandée si ces bribes de souvenirs étaient réels, inventés, imaginés, rêve ou réalité, Defred est atteinte d'une sorte d'amnésie dissociative qui m'a quelques fois irritée.

Il y a ensuite, la transformation de Defred en tant que mère-femme en servante écarlate avec une lobotomisation couronnée de plus ou moins de succès. Elles sont nombreuses à subir les femmes matonnes appelées tantes qui déforment bien évidemment les erreurs du passé pour inculquer la rédemption de la civilisation à coups de règles (les deux significations s'appliquent ici) et par un discours religieux archaïque où la peur devient gage de réussite.
Je trouve cette partie sans doute la plus intéressante de part le laisser faire de la population qui passivement va suivre cet ordre nouveau et ne pourra plus se rebeller une fois le pouvoir en place. Cette génération transitoire sera bridée, traquée, violentée, asservie pour le bien de tous et l'ordre des castes. La procréation des générations futures au-dessus de tout, bannissement des sentiments, du plaisir et de la jouissance. Les femmes seront classifiées et conditionnées à rester à leur nouvelle place.

Puis vient la plus grosse partie du roman, la vie d'après. Margaret Atwood a imaginé des scènes qui m'ont particulièrement choquées que ce soit par la "cérémonie" ou l'accouchement. La servante écarlate est bien là pour servir en étant elle-même asservie. Mise à disposition dans des maisons étrangères pour un couple désirant un enfant, la tension, le malaise sont particulièrement bien exploités par l'autrice. Tout sentiment de révolte a été annihilé, Defred subit et pourtant rêve d'une autre vie. Dualité dans ses choix et ses actions, choisir entre être en vie ou mourir, espoir, promesse que l'on se fait à soi-même, Defred fait partie de cette génération transitoire qui a connu l'avant et souffre le présent.

C'est donc le choix de l'autrice de présenter l'entre deux que je retiens même si de nombreux points restent obscurs.

Mais ma plus grosse surprise est dans la construction du livre lui-même. Et pour ceux qui ne veulent pas savoir passer au paragraphe suivant.

Spoiler (surligner pour afficher)

L'histoire de Defred s'arrête brusquement, sans bruit, sans explication. L'autrice rédige une postface sur la genèse de ce récit. Puis une dernière partie fictionnelle avec une retranscription d'un colloque post ère gileadienne. Sur le coup, je n'ai pas compris, puis les pièces se mettent en place et une fois assemblées vont faire la lumière sur certaines zones d'ombre. Je redécouvre le récit selon une approche différente et je trouve que cette dernière partie est un coup de maitre.



Mais le cœur du roman l'est-il vraiment ? (un coup de maitre)
Pour être sincère, tout au long du roman, j'ai été passionnée par de courtes scénettes extrêmement visuelles et le reste du temps j'avais l'impression d'être détachée de l'histoire, sans ressentir d'empathie pour ces femmes quelle que soit leur caste.

Et pourtant, ce roman évoque des thèmes peu abordés dans les années 1980 et particulièrement le lesbianisme. Interdit dans les écoles américaines, censuré, et même brulé, il faut reconnaitre que Margaret Atwood avertit à travers ce roman sur "que se passerait-il si...?".

En résumé, une approche très intéressante sur le prise de pouvoir de la dictature sur le peuple où l'autrice mêle judicieusement le passé, le présent et le futur en suivant une épouse, une femme, une servante, dont le destin a été brisé. Malgré une plume rigide et qui reste à distance, les principes sont effrayant et certaines scènes m'ont choquées ce qui est assez rare pour le signaler. Mais ce n'est pas pour autant que j'ai adhéré pleinement à cette histoire, qui sans la lecture audio, je n'aurai sans doute pas terminé. Il est très difficile pour moi de dire que je n'ai pas aimé, car ce n'est pas le cas, mais je ne peux pas dire non plus que j'ai aimé. Je louvoie.

Commentaires

  1. J'ai lu ce livre il y a très longtemps (bien avant qu'il soit remis au goût du jour par la série télé) et il m'avait énormément marquée, même si j'ai le souvenir d'une lecture très aride.
    Je pense que la froideur de l'écriture fait écho à celle de la société décrite, à celle que ressent la protagoniste, et qu'elle permet à l'autrice de nous frapper encore plus. Le plus effrayant étant cette postface où elle explique que tous les traitements infligés aux femmes qu'elle décrit ont existé dans le passé ou existent encore quelque part dans le monde. Je crois ne m'en être jamais remise...

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    1. J'ai en effet était plus émue par la postface au final que par le texte lui-même. Mais il est indéniable que c'est un livre à découvrir dans son intégralité et qu'il est encore nécessaire de le faire connaitre aujourd'hui aux personnes qui ne l'ont pas encore lu.

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