Si c'est un homme - Primo Levi

 

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Si c'est un homme - Primo Levi

On est volontiers persuadé d'avoir lu beaucoup de choses à propos de l'holocauste, on est convaincu d'en savoir au moins autant.
Et, convenons-en avec une sincérité égale au sentiment de la honte, quelquefois, devant l'accumulation, on a envie de crier grâce. C'est que l'on n'a pas encore entendu Levi analyser la nature complexe de l'état du malheur. Peu l'on prouvé aussi bien que Levi, qui a l'air de nous retenir par les basques au bord du menaçant oubli : si la littérature n'est pas écrite pour rappeler les morts aux vivants, elle n'est que futilité.


Il n'est jamais facile de commenter (je ne peux pas dire chroniquer dans ce cas pour expliquer que j'ai aimé ou non, ça ne se fait pas, tout simplement) ce genre de roman autobiographique tellement la charge mentale est trop importante, les faits ayant réellement existés et l'horreur subie normalement inexprimable.

Primo Levi, nous dépeint avec beaucoup de recul son quotidien dans le camps de concentration et d'extermination d'Auschwitz. Il a tenu une année, une très longue et interminable année avant la libération du camp, dans des conditions innommables même si lui arrive à les décrire et à les nommer.

Primo Levi échappe à la sélection et se retrouve au camp auxiliaire de Monowitz-Buna, première découverte pour ma part, je ne connaissais pas les différents camps gravitant autour d'Auschwitz. Et j'ai finalement appris beaucoup de chose sur son internement et j'ai été également à de très nombreuses reprises, très surprise.

L'auteur nous parle de hiérarchisation entre les occupants du camp, moi qui croyais bêtement qu'ils étaient à défaut d'être libre au moins égaux mais sans droit. Et bien pas du tout. Au sein même des "juifs" en fonction de leur provenance, ils n'étaient pas considérés de la même manière par les autres mais aussi entre eux : les grecs, les polonais, les français, et tout, tout derrière les italiens. J'ai découvert ceci avec étonnement me disant que même dans cet enfer sur Terre, les hommes restent des hommes et pour survivre la fraternité n'est pas de mise : vol, agression, harcèlement, en plus du traitement subi par les gardiens, ils doivent en plus survivre entre eux. "Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune" (Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) sont également bafouées.  Mes idéaux illusoires ont été une fois de plus brisés et j'ai eu envie d'hurler contre eux qui souffraient de leurs conditions en leur disant mais pourquoi faire souffrir encore plus ceux qui sont comme vous.

n° 174.517, c'est le numéro que portera toute sa vie Primo Levi, inscrit dans sa chair. J'ai également appris que les numéros ont leur importance. Je ne m'étais jamais intéressée à leur origine pensant simplement qu'il s'agissait d'un numéro de chrono ; le principe est bien plus complexe que ça, intégrant leur origine et leur cause d'incarcération. Je connaissais bien sûr les étiquetages : étoiles et triangles de différentes couleur, mais pas la numérotation. 

L'auteur décrit aussi, tout les "petits" moyens mis en place de roublardise pour survivre, et qui dit survivre, dit avoir le ventre pas tout à fait vide, et donc des rations de pains supplémentaires. Un marché noir est mis en place à l'intérieur tout comme à l'extérieur, le secret est bien gardé et il faut être malin. Là encore c'est aussi une découverte.

Je me sens bien naïve et ignare en vous écrivant tout ceci, et je me rends compte que malgré mes nombreuses lectures, films et documentaires, je ne savais au final pas grand chose et je m'imaginais simplement la misère égale à tous. Mais au-delà de la déshumanisation imposées par les nazis, la désunion et l'hostilité règne et c'est pour moi d'autant plus effroyable.

Je passe bien évidemment sur les descriptions d'insalubrité du camps, de la méchanceté des Kapos, de la fatigue des corps et de l'esprit qui conduit à la mort, car ce sont les images que nous connaissons.

Ici la froideur du texte et à la hauteur de la froideur des lieux et du climat, tout est volontairement descriptif et fait que ce roman est un état des lieux et des hommes à un instant donné. Horreur et désespoir face à cet ultime désir de rester et de raconter comment survivre là on ne peut plus vivre. Un roman qui montre l'absence de solidarité, la faim, et pourtant l'envie d'y croire un peu.


Commentaires

  1. ça fait longtemps que j'hésite à lire ce livre: ça me semble être un témoignage indispensable, mais je ne suis pas sûre de pouvoir encaisser le contenu... J'admire ta capacité à supporter ce témoignage, ça a dû être compliqué d'arriver au bout...

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    1. Au contraire, Primo Levi reste extrêmement factuel dans son récit et met de la distance en ce qui concerne les sentiments ce qui permet de supporter ce témoignage et de prendre du recul en tant que lecteur et finalement ça se lit d'une traite sans que ça soit compliqué ni devoir supporter une charge émotionnelle trop forte. Je ne peux que t'encourager à sauter le pas.

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    2. Merci pour ta réponse, tu me rassures. Ce n'est pas le bon moment pour l'instant, mais je garde tes mots à l'esprit pour quand je me sentirai prête ;)

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