Né d'aucune femme - Franck Bouysse


Auteur : Franck Bouysse
Éditions : Franla manufacture de livres
Genre : terroir
Date de publication originale : 2019
Pages : 336


          " Il se trouvait quelque part plus loin que les aiguilles de ma montre."


Synopsis :

« Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d'une femme à l'asile.
 - Et alors, qu'y-a-t-il d'extraordinaire à cela ? Demandais-je.
 - Sous sa robe, c'est là que je les ai cachés.
 - De quoi parlez-vous ?
 - Les cahiers... Ceux de Rose."
 Ainsi sortent de l'ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquelles elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin.


Ce que j'en ai pensé :

  Rose, 14 ans, vendue par un père qui va gouter à la saveur amère des remords, mais il est déjà trop tard. Une enfant qui va devoir grandir beaucoup trop vite, dont la naïveté n'a d'égal que sa jeunesse. Elle va sentir les frémissements des sentiments nouveaux mais ils lui seront volés par des personnes sans scrupule. Elle croira en Edmond, le seul ami, compagnon, amour caché (peut-être) qu'elle aura dans sa nouvelle demeure, mais la nature humaine reprendra ses droits.C'est facile de dire que le courage réside en chaque être mais quand on est devant le mur ; qui sont vraiment ces personnes que le courage n'abandonne pas et qui escaladent cet obstacle. Vient à cela s'ajouter le chantage, le pire maux que la Terre connait. Cette soumission passive qui gangrène l'esprit pour le mettre en position d'infériorité, où l'Homme n'est plus maitre de ses actes, n'a plus son libre arbitre. Et enfin l'obstination, qui conduit à tenir encore et tenir...


Autant le dire dès à présent, je n'ai pas aimé la plume de l'auteur, froide, chirurgicale, des dialogues agglomérés dans les mêmes paragraphes. Les premières critiques que j'ai pu lire sur ce livre qui vient tout juste de sortir sont déjà dithyrambiques, pas la mienne. Je n'ai pas réussi à m'attacher à Rose qui pourtant vivra les pires sévices. Aucune larme n'est venu perler dans mes yeux et pourtant en refermant le livre j'ai le cœur déchiré par la cruauté de l'esprit et des pulsions humaines. Heureusement que les dernières pages sauvent le roman qui fait que je ne sais pas dire si j'ai aimé ou non mais il restera je pense gravé longtemps dans ma mémoire.


L'auteur va au fond de ce que l'âme a de plus noir chez l'Homme et c'est dur. Difficile de supporter la méchanceté, le manque de compassion. La bienveillance, la tolérance ont totalement disparu entre les murs de pierre du domaine dans lequel se retrouve  Rose, rendant le cœur de ses habitants encore plus froid que les terres qui les entourent.


Franck Bouysse m'a mis au pied levé. Devais-je continuer à lire son roman, ou bien arrêter ma lecture ? J'ai continué en espérant voir arriver des jours meilleurs. Je ne vous dirai pas si le sont ou pas à vous de le découvrir si vous franchissez les portes du domaine de la Forge. Mais attendez-vous à être secoué.


Citations :


"Je savais qu'on pouvait pas avoir deux familles dans une seule vie, que les rêves sont rien plus que des rêves, et ceux qu'on nous vend sans qu'on les rêve soi-même, il faut les fuir à tout prix."


"C'est sûrement idiot de graver des lettres sur un rocher que des gens regarderont des fois en passant en se demandant qui étaient les gens derrière les initiales. Et peut-être même qu'ils les verront pas, parce que la mousse les aura recouvertes, que c'est sûrement déjà fait. Rien plus qu'un caillou couvert de mousse, que la terre avalera tôt ou tard, ou que quelqu'un déterrera un jour pour en faire un bout de mur. Alors, il y aura plus la moindre trace visible de mon passage. Parce que dans la maison, il reste rien de moi, pas une empreinte de pied, ni de doigt, rien qui puisse faire que quelqu'un se souvienne. c'est terrible de me dire qu'il n'y a rien qui me rappelle dehors, à part ces initiales dans la pierre, contre celles de mes sœurs. En vrai, j'existe pour personne. Il y a que ce qu'on partage qui existe vraiment, ce qu'on représente pour les autres, même si c'est que ça, parce qu'un souvenir vaut rien, qu'il se déforme toujours, se plie de façon à être rangé dans un coin. Les souvenirs, surtout les bons, c'est rien que de la douleur qu'on engrange sans le savoir. Finalement, ses initiales, j'aurais préféré jamais les avoir gravées. Les savoir au bord du chemin, c'est une grande tristesse, la marque d'une terrible impuissance."


"Inspirer la pitié à quelqu'un, c'est faire naître une souffrance pas vécue dans un cœur pas préparé à le recevoir, mais qui voudrait pourtant bien en prendre une part, sans en être vraiment capable."


Le mot de la fin :


Un roman qui remue les trippes mais en même temps qui ne fait pas ressentir les blessures, les souffrances, les espoirs et les déterminations. Un roman apprécié et détesté en même temps, je ne sais vraiment plus sur quel pied danser. Le bon et le mauvais se percutent dans ma tête, je reste juste circonspecte…


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